Le français et les mathématiques, pourquoi pas?

Plan de l’article
Introduction : Les approches interdisciplinaires les plus courantes du français langue étrangère dans le système d’enseignement roumain
Corps de l’article : Les 10 arguments pour le croisement du français aux mathématiques
Conclusion : Aujourd’hui, dans un monde informatisé, l’apprentissage d’une langue étrangère dépasse le niveau linguistique, on valorise de plus en plus l’interculturalité et le potentiel interdisciplinaire de la langue.

Lorsqu’on parle de l’approche interdisciplinaire dans l’enseignement du français langue étrangère, discipline scolaire encadrée dans l’aire curriculaire langue et communication, on nous vient à l’esprit des matières scolaires complémentaires tout comme la géographie, l’histoire, la culture civique, l’éducation plastique et musicale, qui agrémentent les cours de langues.

En même temps, on a tendance à reculer devant les disciplines techniques tout comme la chimie, la physique et surtout les mathématiques, la dernière perçue trop abstraite et beaucoup plus éloignée du but principal de l’apprentissage d’une langue, celui de communiquer.

Pour ce qui s’en suit, je vais présenter 10 arguments en faveur de l’approche interdisciplinaire entre le français et les mathématiques.

1. Un premier argument d’enseigner le français par croisement aux maths c’est la représentativité des travaux mathématiques des scientifiques français dans le monde. Dans l’article « Le prix Abel, l’autre Nobel de maths » du 16 mars 2021, la rédactrice cheffe de la rubrique science, Audrey Dufour, dans le journal numérique La Croix, écrit que la France est bien représentée pour les prix internationaux de maths, en précisant que la médaille Fermat a décoré douze Français et Abel, quatre, de sorte que la France se situe en deuxième position des pays lauréats, derrière les États-Unis.

Il est à savoir qu’il n’y a pas de prix Nobel pour les chercheurs en maths, probablement que l’on a jugé ce domaine inutile pour ce qui est du côté pratique des innovations scientifiques. Pourtant, il y a des distinctions internationaux, accordés aux mathématiciens: la médaille Fields et le prix Abel équivalents à la valeur du prix Nobel, puis les prix Fermat, Loève, Carl-Friedrich-Gauss, Shaw, Nemmers. Parmi les Français distingués à partir de 2000, on compte Wendelin Werner (2001), Pierre Colmez et Jean-François le Gall (2005), Cédric Villani (2009), Laure Saint-Raymond (2015), Vincent Pilloni (2021) pour Fermat, Artur Ávila (2014), Ngô Báo Châu et Cédric Villani (2010) pour Fields, Jean-Pierre Serre (2003), Jacques Tits (2008), Mikhail Gromov (2009), Yves Meyer (2017) pour Abel, Wendelin Werner (2005), Alice Guionnet (2009), Hugo Duminil-Copin (2017) pour Carl-Friedrich-Gauss, Maxime Kontsevith (2012), Claire Voisin (2017), Michel Talagrand (2019), Jean-Michel Bismut (2021) pour le Shaw, Nalini Anantharaman (2020) pour Nemmers.

2. On dit souvent et on reconnaît que les nombres sont un langage universel. La numération décimale et l’écriture des chiffres arabes ont été adoptées presque partout. En Syrie et en Indonésie, on utilise encore la graphie indo-arabe. Pour ce qui est des Chinois, ils utilisent les chiffres arabes. Il suffit qu’une couturière visite un site Internet de couture, en chinois, et elle va aisément comprendre les schémas géométriques et les mesures du patron de couture esquissé. Donc, à vos machines, chères couturières! Et surtout, ne fuyez pas les nombres, car ils sont pleins de sens!

Tout nombre renvoie à une image mentale. Prenons le 2. Notre mental construit l’image de la paire, ensuite les deux yeux, les deux bras, les deux astres, la Lune et le Soleil, moi et l’autre, etc. Le nombre transcrit en chiffres arabes, on le voit et on le reconnaît avec précision, grâce à l’acquis expérientiel avec les nombres, puis on l’entend, on le prononce, on l’apprend et on l’intègre à d’autres expériences numériques. Les nombres sont les seuls concepts mathématiques qui n’ont pas besoin d’une traduction, car ils forment le réseau commun de toutes les langues.

3. Le défi d’une plongée historique et un peu d’arithmétique dans l’étude des numéraux constituent une troisième raison pour l’approche interdisciplinaire avec les maths. Dans l’histoire de l’humanité, les nombres ont apparu soit par regroupement de 10 éléments, raisonnement spécifique au système décimal du latin, soit d’après la numération vicésimale (à base de 20 éléments), un héritage du gaulois, conservé dans les numéraux de 60 à 100 en France. D’ailleurs, il est facile de comprendre pourquoi il y a le système vicésimal. Les uns ont pris tout simplement comme base de numération les 10 doigts des mains, tandis que d’autres y ont ajouté encore les 10 orteils. Enseigner les numéraux de 60 à 100 c’est l’occasion de faire découvrir aux élèves le fonctionnement du système numérique vicésimale, en faisant recours aux opérations de base, l’addition et la multiplication (80 = 4×20; 90 = 4×20+10; 82 = 4×20+2; 92 = 4×20+12). Si l’on met en contraste le français de France et le français parlé en Belgique, au Luxembourg et en Suisse romande, on réussit à y faire voir avec netteté comment le raisonnement de la numération décimale ou vicésimale a influencé le langage courant de communication.

4. L’environnement immédiat de l’élève abonde en chiffres: cartes météo, programmes TV ou brochures de cinéma et de spectacles, catalogues de prix pour les marchandises, étapes des systèmes d’enseignement français et roumain, dates personnelles, tableaux statistiques, diagrammes et des schémas géographiques (longueur et débit des rivières, altitude de montagnes, surface des pays, population), fiches descriptives des animaux. Grâce à l’universalité des mathématiques, dans le milieu immédiat de l’enfant il y a les sujets les plus divers à exploiter en classe.

5. Les raisonnements mathématiques en cours de langue contribuent à la fixation du lexique spécifique, de quelques règles grammaticales et structures syntaxiques. Les séances de mathématiques en cours de français, contenant des activités de calculs, offrent aux élèves l’occasion de véhiculer habituellement les numéraux. Les activités de reconnaissance et de reconstruction des figures géométriques munissent les apprenants avec les outils linguistiques nécessaires pour identifier des objets, en fonction de leur forme. Pour ce qui est de la dimension, les élèves comparent les objets et expriment leurs propriétés au moyen des degrés de comparaison des adjectifs (plus grand que, moins petit que, le plus petit de…, très grand). Les structures de la phrase fréquemment utilisées sont : «Si… , alors…», «Comme… et…, il résulte que…», «Étant donné que…», «Ça donne…». Les exemples y abondent.

6. Le lexique mathématique est intuitif et c’est très facile à comprendre si le professeur choisit des thèmes basés sur des compétences déjà travaillées dans les classes de mathématiques. La structure grammaticale de la phrase à exprimer c’est simple. Par exemple: six divisé par trois, deux (numéral + « divisé par » + numéral + « , » + numéral). Les réponses aux questions sont formulées de manière directe et ponctuelle. Ainsi, la réponse peut se réduire à un seul mot. En voici des exemples.
Q : Combien de côtés a un hexagone ?
R : Six
Q : C’est quelle figure géométrique?
R : Hexagone.

En appliquant un même raisonnement à des situations différentes, la syntaxe ne se modifie pas et les élèves réussissent à véhiculer et à retenir le(s) mot(s) inconnu(s), entendu(s) chaque fois à un nouveau tour d’exercice. Choisir les maths en cours de français favorise l’expression orale et l’interaction. Les élèves réagissent avec désinvolture et deviennent impatients de répondre correctement et tout court. Alors, finis les blocages linguistiques !

7. La terminologie en français des notions et des concepts mathématiques laisse place à la réflexion. Par exemple, on nomme « triangle rectangle » un triangle à angle droit. Au point de vue linguistique, ce terme est un mot composé de deux mots simples qui font référence à deux figures géométriques, un triangle et un rectangle, or le mot composé « triangle rectangle » désigne une seule figure, un triangle qui a une propriété spécifique. Alors, on se pose la question pourquoi on a choisi ce terme. On dit « triangle rectangle » probablement parce que ce type de triangle provient d’un rectangle. Comme le rectangle a tous les angles droits, le « triangle rectangle » doit avoir lui aussi un angle droit. En continuant le raisonnement de réflexion, on arrive à comprendre mieux l’aire d’un triangle rectangle. Ainsi, étant donné qu’à partir d’un rectangle, on obtient deux triangles de la même mesure, alors la formule de l’aire d’un triangle rectangle est à déduire de l’aire du rectangle, c’est-à-dire la moitié de l’aire du rectangle, autrement dit le produit des cathètes divisé par 2 où la mesure de la petite cathète c’est la largeur du rectangle, tandis que pour la grande, il s’agit de la longueur. La pensée réflexive s’avère efficace, parce c’est le début du cheminement qui aboutit à une solution. Au cas d’un problème pour calculer l’aire d’une surface irrégulière, la probabilité de recourir à l’astuce de délimiter les rectangles de la surface est assez grande, vu que la liaison entre les différentes figures géométriques et le rectangle a été déjà  faite grâce à la réflexion.

8. Le croisement avec les maths, pendant le cours de langue a comme effet la création du noyau de confort psychologique, au niveau de la classe, tant pour les faibles que pour les forts en mathématiques ou en français, peu importe. Si un élève est plus à l’aise en français qu’en mathématiques, alors il va oser prendre la parole en cours sans se faire trop de soucis pour la prononciation, la grammaire et la syntaxe. Si quelqu’un d’autre est plus à l’aise en français qu’en mathématiques, alors il se sentira gratifié et sera motivé de répondre aux questions encore plus difficiles.

9. La fabrication d’objets mathématiques et la manipulation du matériel multi sensoriel permettent aux élèves de comprendre les concepts mathématiques, à partir du concret et de vérifier leurs connaissances acquises sur des modèles pratiques. Il est vrai que le jeu et les activités ludiques proposées peuvent combattre l’ennui. Cependant, le but ce n’est pas comment faire pour animer la classe ou dynamiser le groupe, mais individualiser et personnaliser le parcours d’apprentissage, tout en veillant à atteindre les objectifs fixés.

10. Du côté de l’enseignant, la véhiculation des connaissances mathématiques, en classe de français langue étrangère, exige un renouvellement des stratégies didactiques ou la collaboration avec un professeur de mathématiques et surtout la recherche des contextes propres aux compétences mathématiques déjà exercées. En outre, le matériel numérique, créé par les mathématiciens et les professeurs qui enseignent les maths aux apprenants français c’est une source authentique de partage et d’enrichissement pédagogique. La pratique de ces nouvelles stratégies contribue à une formation continue polyvalente de l’enseignant, en développant la créativité didactique, ce qui conduit à  une appréhension différente de sa propre discipline et à une meilleure compréhension du rôle de chaque discipline scolaire dans l’enseignement.

Toute langue, en tant qu’outil de communication dans le quotidien, c’est aussi le moyen de transmission des connaissances scientifiques et des valeurs socioculturelles. Par conséquent, la langue que l’on apprend, y inclus la langue maternelle, dispose d’un grand potentiel d’exploitation interdisciplinaire, même insoupçonnable. Autrement dit, on peut enseigner une langue vivante par approche interdisciplinaire avec n’importe quel domaine scientifique, y inclus les mathématiques.

À présent, l’apprentissage d’une langue étrangère dépasse le niveau linguistique, de sorte que le côté interculturel et le potentiel interdisciplinaire sont  de plus en plus valorisés, dans un monde où l’informatisation, qui a atteint comme une pandémie le quotidien et la recherche scientifique, facilite cette tâche. Non seulement que l’approche de l’enseignement du français aux mathématiques c’est tout à fait faisable, mais le croisement de ces disciplines, assisté par l’ordinateur, fait augmenter nos capacités de raisonner.

Sitographie

www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Le-prix-Abel-lautre-Nobel-maths-2021-03-16-1201145885
fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_prix_internationaux_de_math%C3%A9matiques
dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/vic%C3%A9simal/fr-fr/#anchorLittre
fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_vic%C3%A9simal

 

prof. Olimpia Gheorghe

Școala Gimnaziala Miron Costin, Galați (Galaţi) , România
Profil iTeach: iteach.ro/profesor/olimpia.gheorghe

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