Les médias en classe ou comment faire aimer le français (Etude)

L’accès à l’éducation est un droit essentiel de l’enfant et la démocratisation de l’enseignement fait que tous puissent en bénéficier d’une manière ou d’une autre et que chacun y trouve les moyens de réaliser son potentiel de développement cognitif. C’est l’éducation qui ouvre la porte vers son épanouissement tant sur le plan social que professionnel. L’égalité des chances de réussite scolaire n’implique pas que tous les élèves soient identiques. Les différences sont facilement à déceler même à l’intérieur du même groupe-classe, elles sont une réalité que l’enseignant doit garder en vue afin de choisir les stratégies d’enseignement les plus pertinentes selon les besoins de formation du groupe en ensemble et de l’individu en particulier.

Dans la société de nos jours, une société où la communication occupe une place de choix, l’enseignement des langues est devenu une étape importante dans le processus de formation de tout citoyen. L’importance actuelle qu’on lui accorde a engendré une multiplication des études à son sujet. Assez longtemps, on a considéré que l’enseignement des langues était la grammaire, la phonétique et le lexique et cette vision a donné naissance à des méthodes d’enseignement qui mettaient l’enseignant en dehors du groupe d’apprenants, il était détenteur absolu du savoir dont il faisait part à ses élèves.

Quand on a compris qu’en fait ce sont les actes de paroles qui organisent l’acquisition d’une langue, le rôle du professeur a changé et l’élève est devenu centre de toute démarche pédagogique.

Le premier devoir du professeur des langues est de montrer aux apprenants que la langue étrangère est une vraie réalité, qu’elle est un outil de communication. A cette fin, l’utilisation des documents authentiques est importante, voire essentielle. L’ancrage dans la réalité la plus immédiate suscite l’intérêt des apprenants et ils perçoivent la langue comme un organisme vivant qui vit la vie de la société dans laquelle elle naît. L’enseignement des langues verra un essor significatif le jour où les professeurs admettront qu’avant tout, l’élève doit comprendre effectivement à quoi ça sert, l’étude d’une langue. Et le seul moyen viable, capable de leur faire comprendre le rôle des langues dans la formation générale ou professionnelle est de les mettre en directe.

A ce propos, quelle autre solution peut être plus adéquate que le travail avec des documents médiatiques didactisés ? Ils offrent d’innombrables possibilités de combinaisons selon les niveaux, les objectifs, les intérêts et, plus important encore, ils sont toujours en accord avec les événements, de sorte qu’à part la formation purement linguistique, ils engendrent une connaissance culturelle réelle.

Selon une perspective systémique, «l’apprenant est un membre actif de son environnement d’apprentissage car il co-construit ses connaissances en interagissant avec les autres membres de son environnement (enseignants, collègues, élèves) ainsi que les outils utilisés lors de son apprentissage». Pour qu’il le devienne, le professeur doit lui assurer un cadre normal de développement, un espace où la négociation soit réelle. À notre avis, on ne doit pas demander à nos élèves de jouer la comédie de la communication car leur perception sur l’utilisation de la langue sera erronée : «à vrai dire la langue n’est pas un moyen de communication, on fait juste semblant de communiquer». C’est précisément ce qui se passe dans beaucoup de cas avec l’utilisation du français comme moyen de communication hors milieu scolaire.

Les manuels qui circulent en Roumanie n’ont presque rien à voir avec la réalité dans laquelle vivent nos élèves. La réalité est ailleurs : à la télé, à la radio, dans les journaux ou sur Internet. Depuis trop longtemps laissés de côté, les médias ont gagné leur juste place parmi les objets d’enseignement transversaux avec la publication du «Socle commun des connaissances et des compétences». Par la suite, à la fin du suivi scolaire obligatoire, l’apprenant doit «être éduqué aux médias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la société», ce qui revient à dire que les médias jouent un rôle déterminant dans l’épanouissement personnel de l’individu à travers sa scolarité. Les formes et les contenus de divers médias constituent des sources pédagogiques illimitées, et d’ailleurs investies actuellement par bien des disciplines, mais avec une application exhaustive dans l’enseignement des Langues Vivantes Etrangères.

Sans pour autant oublier leur rôle d’enseignants, les professeurs et les formateurs se mettent souvent au jeu pour faire passer des connaissances et faire acquérir des compétences à travers cet outil riche et versatile – les médias. En même temps, l’expérience nous qu’dit il ne faut guère oublier que les apprenants eux-mêmes ont changé : ils exigent d’être partenaires réels de l’enseignement, de participer directement au processus qui auparavant les prenait pour de simples récepteurs. Le groupe d’ élèves n’est plus une masse amorphe, composée d’individus identiques recevant des informations identiques.

Les caractéristiques du public, leurs besoins d’apprentissage, la formation de l’enseignant, les outils pédagogiques, tout cela, et bien d’autres encore contribuent à créer ce que l’on appelle l’enseignement «centré sur l’apprenant», celui qui use le mieux des médias parfaitement adaptés ou adaptables à toutes ces exigences.

Pourquoi cette place de choix? Mais parce qu’ils font preuve d’un éventail de traits qui garantissent la fécondité du point de vue pédagogique dans la classe de langues. Des instruments de communication par nature, ils jouissent d’une efficacité quotidienne incontestable. Leur capacité à porter des messages rapidement et à une vitesse incroyable, leur diffusion, l’attrait qu’ils exercent, sont autant d’atouts que la didactique des langues met aisément en valeur. Il existe une parenté proche entre les médias et l’enseignement des langues vivantes, le professeur étant avant tout un communicateur dont le travail est d’enseigner la communication de la pensée propre, capable de rendre le sens juste de la réflexion de l’émetteur.

Munis des moyens techniques, surtout audio-visuels et informatiques, les formateurs en langues vivantes ont détourné le but premier des médias, en rationnalisant ces moyens, c’est-à-dire les organisant de manière cohérente pour atteindre un objectif envisagé. Nos élèves, nés pour la plupart dans l’ère du roi-médias, ont développé d’autres aptitudes communicatives, ils ont d’autres besoins et d’autres attentes, et encore d’autres habitudes. Jadis, des outils presque intouchables, l’ordi et le portable font la loi parmi nos apprentis. Alors, c’est à nous de changer de cap, de nous adapter à cette nouvelle réalité, souvent ahurissante, et de faire table rase des modèles anciens tournant autour de notre roi – le livre.

Ce changement dans les moyens engendre à son tour un changement dans la perspective pédagogique. Si pour Piaget «l’audio-visuel n’est pas plus qu’un simple moyen didactique, dont la valeur est donnée seulement par la qualité des méthodes qu’on utilise», un autre pédagogue, Marshal Mac Luhan, auteur de «Pour comprendre les médias», lance la théorie inverse: ils sont à l’origine de nouvelles conduites, complètement différentes de ce que la didactique a vécu jusque là. Selon lui, ce qui importe ce n’est pas ce qui est dit, mais le moyen de le dire. Par exemple, dit-il, «une émission de télévision suscite de l’intérêt non pas grâce au contenu diffusé, mais parce qu’elle passe à la télé». A vrai dire la vérité chevauche en califourchon entre les deux théories, mais il en va du talent de l’enseignant de mettre en valeur le contenu à travers un moyen alléchant pour faire atteindre ses buts pédagogiques.

Bon nombre de cours de langue utilisent les médias. La radio, la télé, et parfois le cinéma, ont leur place dans le domaine de la didactique des langues concrétisée dans des programmes à travers le monde adaptés aux exigences du public-étudiant. Ils sont créés précisément pour les médias choisis, ou bien ils sont «importés » dans les média à partir d’une méthode audio-visuelle classique. Un tel exemple est le programme FLE « De Vive Voix » qui a engendré une diffusion télévisée, bien que cette méthode ne fût nullement conçue pour un tel support. Et pourtant, aucun support ne semble être en mesure de résoudre à lui seul les exigences de l’apprentissage des langues qui suppose au-delà de l’étude de l’oral et de l’écrit, des compétences de production orale et écrite, mais aussi des connaissances de civilisation. C’est pourquoi, chercheurs et enseignants ont tendance à favoriser une approche multimédia confondant et associant plusieurs médias différents. Là-dessus, il y a deux pratiques à propos des supports utilisés: d’un côté, les praticiens favorisent un mélange de tous les médias: télévision, radio, manuels avec des CD etc.; d’un autre, on met en scène seulement deux canaux : manuel et télévision, radio et manuels, CD et fiches de travail ou livres d’accompagnement etc.

Quelle qu’en soit la méthode, toute une panoplie de médias est mise au travail au profit des apprenants, d’autant plus par l’attractivité, mais aussi par les résultats qu’elles peuvent porter. Pourtant, le choix qu’on fait n’est pas sans difficulté puisqu’il faut respecter quelques principes essentiels pour le bon développement de l’enseignement. Avant tout, il importe de tenir compte des spécificités de chaque médias et partir de là dans notre programme pédagogique pour en tirer un maximum d’efficacité. La complémentarité semble être le mot d’ordre dans le choix des médias à utiliser le long d’une méthode qui mélange plusieurs supports, chacun étant orienté selon ses traits singuliers.

Nous aussi, comme d’autres professeurs de langues, nous avons cru au pouvoir illimité de quelque méthode publiée chez une maison d’éditions renommée. Mais l’expérience a été, sinon désastreuse, au moins décevante. Ce qui peut fonctionner dans certaines conditions sociales et culturelles ne peut pas forcement fonctionner dans d’autres.

Tout comme il faut être conscient que l’ancrage dans la réalité récente est essentiel pour susciter l’intérêt de nos apprenants. Ensuite, pour assurer la réussite de l’approche multi-médias, il faut couvrir tous les aspects de la communication: la production et la réception orale et écrite. Il ne suffit pas qu’un texte passe à la radio pour qu’il devienne authentiquement oral, tout comme il ne suffit pas d’avoir un support écrit pour qu’il soit utilisable comme tel.

Il en va d’autres conditions pour gérer un document à des fins pédagogiques. Les pouvoirs et les incapacités complémentaires des médias acquièrent une signification didactique s’ils respectent les compétences visées chez l’élève.

Finalement, la civilisation est peut-être la plus privilégiée dans ses relations avec les médias puisqu’ils sont capables d’offrir toutes les informations concernant les entours de la langue constituant un aspect essentiel de la communication réelle (l’objectif final de tout enseignement de langue). Le type du public, ses besoins d’apprentissage, la répartition du temps, la spécialisation de l’enseignant, les outils pédagogiques envisagés, tout cela doit être bien pris en compte afin de mettre en scène un cours de langues réellement adapté au contexte.

C’est dans cette perspective qu’ils trouvent leur justification en tant que support pour l’enseignement. Moment ou partie d’un dispositif d’ensemble, les médias jouent un rôle essentiel dans l’enseignement efficace des langues en offrant à la fois support surpris dans sa réalité directe – et donc un niveau de communication réelle – et outil d’enseignement circonscrit dans un espace à part. Pourtant, pour en tirer profit au niveau des objectifs, ce qui compte c’est la démarche méthodologique dans sa globalité, les stratégies d’enseignement envisagées et surtout l’adaptation aux besoins du public vu son évolution constante ces dernières années tant sur le plan des exigences purement pédagogiques que par rapports aux buts à atteindre.

Bibliographie  
1. Brodin, Elisabeth, „Innovation, instrumentation technologique de l’apprentissage des langues : des schèmes d’action aux modèles de pratiques émergentes”. Apprentissage des Langues, Systèmes d’Information et de Communication (Alsic), vol. 5, n° 2, 2002, pp. 149-181.
2. Cadre européen commun de référence pour les langues, p. 126
3. Jean Piaget and Barbel Inhelder The Growth Of Logical Thinking From Childhood To Adolescence, Basic Books, 1958, p. 215
4. Carl Rogers, Freedom to learn, Columbia, Ohio, Charles E. Merrill,1983, p 78 Jean Piaget and Barbel Inhelder The Growth Of Logical Thinking From Childhood To Adolescence, Basic Books, 1958, p. 215
5. Marshal Mac Luhan Pour comprendre les médias, Ed. Seuil, coll. Points, 1968, 404 p. (titre original: (en) Understanding Media: The Extensions of Man, McGraw-Hill, New-York, 1964.)
6. B.F. Skinner, Recent Issues in the Analysis of Behavior, Columbia, Ohio, Charles E. Merrill, 1989, p. 89.

 

prof. Elena-Monica Munteanu

Colegiul Național Pedagogic Ștefan cel Mare, Bacău (Bacău) , România
Profil iTeach: iteach.ro/profesor/elena.munteanu1

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