La prise en compte de la qualité de la posture assise est souvent négligée pendant les premières années à l’école. Pourtant, elle joue un rôle crucial dans le développement des compétences sensori-motrices nécessaires à une écriture fluide et de qualité. En effet, une posture assise stable et dynamique favorise une organisation motrice efficace pour les activités telles que la motricité fine, les tâches visuo-motrices et le graphisme. Accorder de l’importance à cette posture offre une série de points d’appui sensori-moteurs qui facilitent l’adoption de schémas de mouvements appropriés. Cela permet également de maintenir son attention sur les activités proposées en libérant l’énergie nécessaire pour maintenir une position stable. Cet article met en lumière l’importance de la prise en compte de la posture dès le plus jeune âge pour favoriser les apprentissages scolaires, en s’appuyant sur des concepts neuro-développementaux et biomécaniques.
Pendant son développement, l’enfant explore différentes postures qui lui permettent d’interagir avec son environnement. Chaque étape de son développement moteur repose sur une organisation motrice spécifique, liée au tonus postural. Il passe d’une position instable avec de nombreux points de contact à une posture stable et dynamique reposant sur des appuis variés et mobiles. Au fil du temps, le redressement s’organise de manière céphalo-caudale et latérale, offrant ainsi une base pour la rotation et la dissociation.
Concernant l’évolution de la posture assise chez le jeune enfant, on observe d’abord un renforcement musculaire antéro-postérieur dans le plan sagittal, avec un appui des mains vers l’avant. Ce redressement dans le plan sagittal permet à l’enfant d’expérimenter des réactions de redressement latérales, en ajustant la charge dans le plan frontal. Les appuis des mains peuvent évoluer vers une rotation sur les côtés. Progressivement, il développera la rotation et la dissociation dans le plan horizontal, ce qui lui permettra de varier ses appuis et d’explorer l’espace postérieur. Ces mouvements coordonnés dans les trois plans spatiaux lui permettront de quitter la posture assise stable pour adopter la position à quatre pattes ou une autre posture. Ce n’est qu’une fois qu’il aura acquis un contrôle suffisant au niveau proximal (tronc et bassin) que l’enfant pourra commencer à libérer ses appuis au niveau des membres supérieurs. Il pourra alors utiliser une ou deux mains dans une activité pour l’explorer et l’expérimenter.
Il est évident que le contrôle postural, ou la stabilité proximale, influence directement la qualité des compétences en matière de motricité fine (activité distale) et, par conséquent, sur le graphisme. La compréhension de cette stabilité proximale est essentielle pour exécuter des gestes précis.
La stabilité de cet axe, caractérisée par des co-contractions simultanées entre les muscles antagonistes et agonistes du tronc, renseigne sur la position des segments corporels les uns par rapport aux autres. Ces informations proprioceptives, ainsi que les informations visuelles, tactiles et vestibulaires, permettent au cerveau de former une représentation précise du corps et de planifier des mouvements complexes, tels que ceux requis pour l’écriture.
Dès son entrée à l’école, l’enfant est confronté à diverses activités qui exigent une certaine dextérité et motricité fine. Pour exécuter ces tâches avec succès, il doit adopter une posture stable et dynamique. Contrairement à une position statique, la posture est dynamique, mobile et stable, organisée sur une variété de points d’appui.
Au cours des premières années à l’école, la construction de l’axe corporel est en cours, ce qui signifie que chaque enfant présente un niveau variable de redressement, de tonus et d’ajustements posturaux. Afin de répondre aux exigences scolaires en matière de motricité fine, l’enfant développe des stratégies pour rendre les activités plus faciles à réaliser et soutenir sa concentration.
Un enfant au développement typique adoptera spontanément une posture asymétrique, favorisant ainsi la libération du membre supérieur préférentiel, offrant une plus grande liberté de mouvement et permettant des gestes distaux plus précis. Cela facilite l’apprentissage moteur, améliore la qualité des retours sensoriels et rend l’acquisition de schémas de mouvements appropriés moins laborieuse. En conséquence, l’enfant prendra plus de plaisir à réaliser les activités, sera plus enclin à réussir et souhaitera répéter ces expériences positives.
Cependant, il est important de noter que même un enfant au développement typique nécessite un environnement adapté, car la stabilité proximale dépend non seulement de sa capacité de redressement, mais aussi des contraintes environnementales. Des études ont montré que le positionnement de l’enfant influence la qualité des manipulations manuelles, ce qui souligne l’importance de fournir un environnement stable pour favoriser la concentration et minimiser les ajustements posturaux.
Par contre, un faible contrôle du tronc et du bassin, qu’il soit dû à des facteurs liés à l’enfant ou à un environnement inadapté, entraîne des difficultés dans l’utilisation des mains. Pour compenser ce manque de stabilité proximale, l’enfant peut chercher à se réorganiser en augmentant le tonus musculaire au niveau des extrémités, ou en multipliant les contacts avec les membres supérieurs et inférieurs, voire avec le tronc lui-même. Il essaie ainsi de stabiliser les segments distaux pour contrôler le proximal. Cela limite la coordination bilatérale et entrave le développement des habiletés de motricité fine. La dissociation entre les différents segments est réduite et les mouvements distaux, tels que la dissociation des doigts ou des côtés de la main, deviennent plus complexes. Les enfants présentant une instabilité du tronc ou une posture atypique ont ainsi des difficultés à doser leurs gestes et à positionner leur main et leur bras avec précision, ce qui peut avoir un impact direct sur leurs activités de graphisme.
En réponse à ce manque de contrôle proximal, on peut observer l’utilisation du tonus pneumatique, c’est-à-dire le blocage de la respiration. Dans cette situation, l’enfant adopte des positions figées et ne parvient pas à réaliser des gestes finaux.
Il est donc crucial d’offrir à l’enfant un soutien adapté à ses compétences et à ses besoins afin de lui permettre d’améliorer son contrôle de la posture assise. Ce n’est qu’une fois que le contrôle du tronc sera suffisamment mature et que le geste graphique sera automatisé, généralement vers l’âge de 9 ans, que l’enfant pourra écrire de manière efficace en termes de qualité et de vitesse, quelle que soit sa posture.
La qualité de la stabilité proximale peut dépendre à la fois des caractéristiques individuelles de l’enfant (telles que son redressement, son tonus musculaire et ses ajustements posturaux) et des caractéristiques de l’environnement (comme le mobilier). Nous aborderons plus en détail la posture assise recommandée pour ces enfants.
Il convient également de noter qu’un contrôle efficace du tronc grâce à une posture assise adaptée peut avoir un impact sur la qualité des fonctions cognitives, notamment en ce qui concerne les capacités de construction visuo-spatiale et l’attention.
La posture assise souvent recommandée dans les milieux scolaires est une posture symétrique, où l’accent est mis sur l’importance d’être assis sur une chaise stable, avec les pieds bien appuyés au sol et la table réglée à la bonne hauteur. Cependant, cette approche accorde peu d’importance à la posture asymétrique, qui, de par sa nature stable et dynamique, favorise la maîtrise du geste graphique. Pour les personnes expérimentées en graphisme et en écriture, qui ont automatisé leurs mouvements, la posture assise symétrique peut être un référentiel pratique en raison de sa simplicité.
Toutefois, au début de l’apprentissage du graphisme et pour les enfants qui éprouvent des difficultés d’écriture, la posture assise asymétrique décrite par Bullinger est cruciale. Nous insistons sur l’importance de cette posture, qui crée un côté porteur et un côté actionnel, permettant ainsi au jeune enfant (moins de 9 ans) de surmonter les défis liés à l’immaturité des aspects tonico-posturaux en libérant la main qui tient l’outil scripteur de son rôle de soutien, favorisant ainsi les mouvements de haute fréquence nécessaires à l’écriture. Cette posture simplifie l’apprentissage moteur, améliore la perception proprioceptive et procure un sentiment de réussite à l’enfant. la posture assise asymétrique se caractérise par le soutien de la main qui tient l’outil scripteur, tout en assurant un appui des deux pieds au sol et en utilisant l’ischion opposé à la main dominante comme point d’appui pour le buste et éventuellement la tête. Pour que les enfants adoptent spontanément cette posture, il est essentiel que le mobilier soit réglé correctement par l’enseignant, notamment en veillant à ce que les pieds soient bien appuyés au sol, les genoux fléchis à 90 degrés, les hanches fléchies à 90 degrés et que la table soit à la hauteur des coudes fléchis à 90 degrés lorsque l’enfant est dans une position intermédiaire du bassin.
Cependant, il est important de noter que l’enfant doit composer non seulement avec l’environnement disponible, mais aussi avec ses propres caractéristiques tonico-posturales et sensorielles, qui peuvent parfois entraver l’adoption de la posture assymétrique.
En conclusion, il est crucial de considérer l’importance de la posture assise dans le développement des compétences motrices et graphiques chez les enfants. Une posture asymétrique, bien que moins courante dans les environnements scolaires, peut offrir des avantages significatifs pour la maîtrise du geste graphique, surtout au début de l’apprentissage. Elle permet une libération du membre scripteur, favorise des mouvements plus fluides et précis, et offre une meilleure perception de la vision périphérique, tous des éléments essentiels pour une écriture efficace.
Cependant, il est également essentiel de prendre en compte les caractéristiques individuelles de chaque enfant ainsi que les facteurs environnementaux. Des ajustements ergonomiques du mobilier peuvent être nécessaires pour favoriser une posture assise optimale, notamment en veillant à ce que le bassin soit positionné de manière intermédiaire entre l’antéversion et la rétroversion. Cela permettrait d’assurer un bon contrôle postural, une meilleure stabilité et une utilisation efficace de la vision périphérique, facilitant ainsi l’apprentissage du geste graphique.
En fin de compte, une approche individualisée prenant en compte les besoins spécifiques de chaque enfant en termes de posture et d’environnement peut jouer un rôle crucial dans le développement de compétences motrices et graphiques optimales.
Bibliographie
1. BULLINGER A., (2013), Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, un parcours de recherche, Erès Ed. Toulouse, 2e ed., 271p.
2. DUFOUR D., (2007), Du graphisme en général et du geste en particulier : quels prérequis sensori-moteur ?, in « Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant », n°93, ANAE, Paris, 176-183.
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4. VUILLEUMIER A. & L., (2014), Le développement de postures stables et dynamiques chez l’enfant, pour permettre la réalisation d’une activité., in « Expérience en ergothérapie»,n°27, Sauramps médical, Montpellier, 331-341.