Le vocabulaire est l’ensemble des mots effectivement employés par le locuteur dans tel acte de parole précis. Le vocabulaire est l’actualisation d’un certain nombre de mots appartenant au lexique individuel du locuteur. La discipline linguistique qui s’occupe de l’étude du vocabulaire s’appelle lexicologie. La grammaire et le lexique sont indissociables car c’est à la syntaxe que la lexicologie est le plus fortement liée, parce que la formation de tout mot nouveau est le résultat d’une transformation syntaxique et l’expression d’un type de rapports syntagmatiques. La lexicologie est aussi étroitement liée à la sémantique parce que les unités sémantiques se réalisent dans des unités lexicales. Le professeur de langue ne doit pas oublier que les domaines de la lexicologie, de la syntaxe et de la sémantique sont tous les trios des composants du langage.
Dans un énoncé, les mots-concepts (vocabulaire) sont les facteurs essentiels de la communication.. C’est un fait reconnu que le lexique d’une langue est le lieu des plus grandes variations, des mots disparaissent de l’usage quand d’autres sont créés, selon les nécessités de la dénomination, c’est-à-dire selon les besoins socio-culturels du milieu. L’enseignement du vocabulaire doit mettre en oeuvre, non seulement le sens des éléments qui constituent la phrase, mais aussi la manière dont ces éléments se combinent et se regroupent entre eux.
Problèmes posés par l’enseignement du vocabulaire
L’enseignement du vocabulaire commence des la première classe de français et continue pendant toute la durée de l’étude. Il respecte les principles de la sélection et de la gradation et les résultants devront être jugés d’après la capacité des élèves d’utiliser leurs connaissances lexicales dans la communication et non pas d’après l’acquisition de listes de mots et d’expressions apprises par coeur.
Tout le monde admet que le français d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier et ne sera plus celui de demain. Alors quel français enseigner? Voilà une question que les professeurs de français se posent depuis longtemps et à laquelle ils essayent de répondre. La langue doit servir comme moyen de communication et nos élèves veulent communiquer avec leurs contemporains, avec les jeunes générations. C’est du français contemporain que nos élèves ont besoin. Par conséquent, il faut pour l’enseignement donner la priorité à celui-ci. La langue familière est une langue très spontanée, peu réfléchie, choisie et influencée par l’étude des textes littéraires. C’est donc la langue courante (parlée et écrite) qui devra être enseignée aux élèves. Vu la quantité énorme de mots qui se trouvent dans une langue, les professeurs de partout se sont posé la question: de la totalité des mots d’une langue que faut-il enseigner aux élèves et en quel ordre d’urgence? Les spécialistes ont établi des listes de mots-les vocabulaires minimaux- qui fixent les quantités d’éléments linguistiques nécessaries dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Une remarque très intéressante à faire est celle du rapport qui existe entre la fréquence des mots et les catégories grammaticales. Ainsi, on a constaté que ce sont les mots gramaticaux (mots-outis) qui ont la plus grande fréquence, suivis ensuite par les verbs (plus stables aussi) enfin les adjectifs et les noms.
Dans le processus d’enseignement du vocabulaire, il faut distinguer trois moments essentiels: la présentation, l’exploitation et la fixation. Pour ce qui est de la présentation, il faut dire que l’enseignement du vocabulaire suppose la présentation à la fois du contenant (expression) et du contenu (sens). En ce qui concerne le contenant, l’intérêt du professeur portera sur l’effort qu’il met en oeuvre pour enseigner à l’élève à discriminer ou à distinguer et à reproduire les formes orales des mots. L’identification des sons, des mots et des phrases précède toujours leur emploi. C’est pour cette raison que l’apprentissage de la langue seconde commence par une période d’assimilation auditive au cours de laquelle l’élève doit surtout beaucoup écouter pour identifier les sons et les mots. L’élève doit commencer par entendre pour comprendre ce qu’on lui dit. L’une des questions les plus controversées se rapportant à l’enseignement des langues est de savoir comment transmettre à l’élève le sens des mots et des groupes de mots ou de locutions. Pour résoudre le problème de l’explication du sens on peut utiliser differents procédés. Ces procédés varient selon l’âge des élèves, leur niveau de connaissances et leur langue maternelle. Ces procédés sont: ostensibles (comprenant l’utilisation en classe d’objets, d’action et de situations), figuratifs (utilisant des images), contextuels, differentiels (explication en langue maternelle, traduction). Les procédés ostensible et figuratifs, utilisés surtout dans les classes de débutants, reposent sur le principe voulant que l’on aprenne les significations par le canal des sens. C’est un procédé d’un grand rendement dans les classes de langue parce que plus l’association entre le stimulus visual et la réponse verbale est forte, plus le temps requis pour l’apprentissage est bref. Ces procédés sont excellent pour enseigner la signification d’un bon nombre de noms concrets. Le professeur aura donc a présenter le vocabulaire nouveau au moyen d’un geste, d’une image, d’un dessin etc. en le nommant. Il montrera un objet et dira: c’est la… c’est une… on peut enseigner beaucoup de choses par des gestes ainsi que par des actions: j’ouvre la porte, je ferme le cahier, je donne le livre, je prends le crayon. On peut accomplir ces actions seules ou se servir aussi d’objets pour transmettre la signification des prepositions (exemple:sur, sous, dans). Le professeur ne doit jamais oublier que l’action et la situation doivent être synchronisées avec les paroles dont elles représentent la signification. Il faut absolument privilégier la relation entre le signifié et le signifiant étranger, en essayant de laisser provisoirement hors du circuit le signifiant de la langue maternelle. Nous savons bien que le lexique signifie contexte car le mot isolé, enseigné seul, n’est qu’un son ou un ensemble de sons. Le contexte situationnel joue un rôle déterminant puisque c’est lui qui donne sa valeur sémantique à l’unité lexicale. Il n’existe sans doute pas de meilleur moyen-pour apprendre à désigner les couleurs en français- que d’associer directement l’image visuelle de cette couleur avec le mot étranger, et pour parler d’une action, que d’associer le mot a cette action en train de se dérouler. Mais l’apprentissage sera plus efficace si le mot apparaît dans un contexte verbal naturel, c’est-a-dire si le mot est accompagné d’autres unités lexicales et s’il est intégré dans une structure grammaticale. Le professeur doit tenir compte aussi de la realisation d’une combinatoire lexico-grammaticale qui est d’une grande efficacité pour l’acquisition des structures. Les méthodes d’apprentissage actuelles font un usage intensif de la commutation pour réaliser le montage des automatismes de langue. Le professeur doit former chez ses élèves l’habitude de s’exprimer, des le début, par des phrases complètes: c’est pourquoi le vocabulaire devra être enseigné en contexte dans une chaîne parlée naturelle. Dans les classes des débutants le vocabulaire sera présenté dans un dialogue reflétant une situation de la vie quotidienne. La situation crée les conditions du dialogue qui, se développant à son tour, fera évoluer la situation; langage et situation se trouvent ainsi en position dialectique. Les procédés contextuels (définition, énumeration, substitution, opposition) sont utilisés des que les élèves possèdent déjà un certain vocabulaire. À ce niveau on peut utiliser des mots connus par les élèves pour enseigner la signification de mots nouveaux et des nouvelles structures. On y arrive en plaçant les mots nouveaux dans des contextes verbaux qui leur donnent un sens. Ainsi, on peut définir les mots nouveaux par des mots déjà connus. Avec des élèves de niveau avancé on peut élucider le sens des mots à l’aide des synonymes, antonymes, homonymes, on peut leur présenter les champs lexicaux et/ou sémantique. On peut aussi enseigner la signification de certains mots en les substituant à d’autres mots ou à des syntagmes. Pour l’élucidation d’un vocabulaire de substitution on peut comparer les termes commutables entre eux.
Pour render les élèves conscients des différences qui séparent les synonymes, le professeur peut utiliser la méthode de l’analyse sémique. L’utilisation des antonymes est aussi un procédé contextuel, si l’élève connaît la signification d’un mot, on peut lui apprendre son contraire. La polysémie des mots pose aussi des problèmes difficiles aux élèves qui apprennent le français. C’est toujours par un procédé contextuel que le professeur s’efforcera de lever l’ambiguïté des mots. L’utilisation des procédés contextuels servant à enseigner la signification respecte les principles cartésiens d’aller du connu à l’inconnu et du simple au complexe car on a vu que le professeur s’appuie dans son travail sur les connaissances lexicales acquises auparavant par les élèves. La traduction offre au professeur la solution la plus rapide et la plus confortable pour expliquer le sens d’un mot. Parfois, elle est plus claire qu’une longue explication en langue étrangère. Après avoir présenté les mots nouveaux par les procédés dont nous venons de parler, le professeur invitera les élèves à reproduire ce qu’ils ont entendu. Plusieurs répétitions sont necessaries pour obtenir l’acquisition. Le professeur obtiendra le reemploi des termes enseignés soit de manière orale, soit à l’écrit. Les élèves ont besoin de fixer le vocabulaire acquis, de le mémoriser, puis de le faire passer de l’état passif à l’état actif.
L’apprentissage du vocabulaire met en jeu, comme tout apprentissage linguistique, l’exercice de la mémoire. L’expérience montre que l’apprentissage en situation facilite la mémorisation.
Les moyens utilisés dans l’acquisition du vocabulaire varient selon le moment de leur utilisation: avant la lecture de texte par la conversation introductive ou l’exposé; au cours de la lecture du texte; au cours du travail indépendant de l’élève. La conversation introductive est le moyen le plus fréquemment employé dans les classes de langue. Elle comprend à la fois la présentation et l’exploitation des mots nouveaux. Elle consiste à présenter le mot, avant la lecture. Ce sont surtout les mots-clés que l’on présente à ce moment-là. Ces mots sont absolument indispensables pour que l’élève saisisse la signification globale du texte de lecture. Chaque mot est présenté par rapport au précédent ou par rapport à ceux qui ont été acquis précédemment. L’exposé peut aussi présenter les mots-clés d’un texte, dans une classe d’élèves moyens ou advancés. Cet exposé doit être bref et simple. La présentation et l’exploitation des mots nouveaux peuvent être faites au cours de la lecture d’un texte mais uniquement dans des classes d’élèves advancés. L’utilisation du dictionnaire marque la transition vers le travail indépendant de l’élève et par cet aspect contribue à son éducation complexe.
Le travail durant les trois étapes nécessaires à l’assimilation du lexique ne suffit point à transformer ces connaissances en acquis effectif. C’est par de nombreux exercices que l’on peut fixer et transformer les nouvelles connaissances en automatismes. C’est seulement par des exercices variés que le vocabulaire peut être consolidé et enrichi. Les types les plus fréquents d’exercices lexicaux et sémantiques sont les exercices à trous (à pointillié), les exercices de remplacement de certains mots par des synonymes, d’antonymes etc, les exercices de paraphrase, les exercices de mise en ordre d’une série de mots, d’adjonction d’adjectifs à un nom ou d’adverbes à un verbe, les exercices de choix de la forme convenable entre deux ou plusieurs formes proposées, les exercices de construction et de développement de la phrase, les exercices de réduction de certaines expressions à des mots simples etc. Les jeux linguistiques et communicatifs présentent eux-aussi des avantages incontestables dans l’acquisition d’une langue. Ils reposent sur l’emploi répété et organisé d’un lexique ou de certaines structures lexico-grammaticales, ce qui les rend susceptibles d’assurer la systématisation de la matière acquise.Il existe plusieurs types de jeux: des jeux individuels, silencieux, généralement écrits, ou s’appuyant sur des cartes et des dominos; des jeux verbaux, linguistiques, destinés à faire découvrir aux apprenants cetaines subtilités de la langue, l’homophonie, la polysémie, la paronymie. Ce sont en général des jeux de mots, des divertissements linguistiques, des devinettes, des plaisanteries; des jeux de groupe qui favorisent la communication, des interactions quasi autonomes dans le groupe. Habituellement, pour qu’un jeu soit jeu et qu’il atteigne son objectif éducatif, il est nécessaire en formuler les règles dès le début: un bon jeu doit favoriser l’emploi correct et juste de la langue; un bon jeu est nécessairement créatif, il place toujours les joueurs devant un problème à résoudre; un jeu d’équipe doit avoir recours à l’initiative des joueurs, à leur astuce et à leur esprit d’émulation. Parmi les jeux de mots, le calembour est très fréquent. L’éducation au calembour français suppose un niveau avancé d’étude de la langue, l’existence d’un savoir langagier riche (polysémie, homonymie, paronymie, ambiguïtés grammaticales, connotations linguistiques etc.), de même qu’une certaine habileté discursive qui permette de faire jouer les homophonies, de laisser entendre un sens évoqué derrière un sens présenté. La pratique des calembours relève donc de l’ethnographie de la communication, ce qui présente un grand intérêt dans le processus de l’éducation au langage des apprenants étrangers. D’autres jeux linguistiquex appréciés par les élèves de tout âge sont les charades et les rébus. Les mots croixés occupent une place privilégiée parmi les jeux linguistiques.
Conclusion
L’enseignement du vocabulaire se propose de former graduellement chez les élèves des habitudes nécessaires à l’expression mais aussi à l’information. La conversation introductive sert surtout à l’acquisition de la langue comme moyen de communication et d’expression. Mais il faut donner aussi à l’élève la possibilité de s’informer tout seul: il faut l’orienter vers la compréhension d’un texte sans l’aide du professeur. Cette forme de travail se caractérise par une activité individuelle faite en classe, sous la direction du professeur et qui donnera à l’élève pleine satisfaction. L’utilisation du dictionnaire représente une étape importante dans l’enrichissement des connaissances des élèves. L’habitude de ce travail permettra à l’élève de continuer, même après la periode d’études, à enrichir ses connaissances de français.
Références
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