Linguiste française, Claire Blanche-Benveniste est considérée comme étant une éminente spécialiste de la langue du quotidien, le français parlé auquel elle a consacré une part notable de sa carrière et dont elle a contribué à élever l’étude au rang de discipline à part entière. Au lieu de considérer l’oral à travers les représentations de l’écrit, elle en fait un objet d’étude à part entière en élaborant ses descriptions grammaticales à partir de corpus authentiques constitués d’enregistrements parlés.
Parmi ses ouvrages majeurs, on peut citer L’Orthographe (1969), écrit en collaboration avec André Chervel, et dans lequel est fermement défendue la thèse d’une écriture strictement phonétique, et Approches de la langue parlée en français (1997). Elle a, de plus, contribué à la création et à la direction de la revue Recherches sur le Français Parlé publiée à partir de 1977 par l’université d’Aix-en-Provence.
«On ne peut pas caractériser un locuteur par la seule considération de ce qu’il dit dans des situations dites d’”oral spontané”, surtout si, comme dans la ”tradition française”, on réduit cet oral aux seules situations de conversation familière ou ordinaire. La variabilité chez un même locuteur est une donnée fondamentale qui ne peut se mesurer que dans la diversité des situations de parole. Comme le signalent aussi bien Gadet (1999) que Béguelin (1999) tous les locuteurs maîtriseraient plusieurs registres et aucun ne serait à ”style unique”.»
Le changement de registre représente une pratique des allers-retours entre deux langues ou entre deux dialectes ou registres d’une même langue à la fois. La commutation de code/registre se produit beaucoup plus souvent dans la conversation, donc à l’oral qu’à l’écrit.
Je pense que la plupart du temps, nous changeons de code pour nous identifier à un groupe social particulier, et la plupart du temps, nous ne réalisons même pas que nous le faisons. Ce changement se produit subtilement.
Si on pense à la manière dont on parle avec nos collègues de travail, notre discours peut devenir inconsciemment mesuré et professionnel. En revanche, lorsqu’on est entouré d’amis, notre discours passe à un ton décontracté, car on se sent plus à l’aise dans ce cadre social ou ce contexte culturel. Ces commutateurs de code deviennent donc plus visibles en fonction du contexte social. Lorsqu’on visite notre ville natale, on peut mettre beaucoup plus l’accent sur le dialecte régional comme moyen inconscient de nous (ré)intégrer.
Selon moi, ce changement de code est extrêmement important en fonction du groupe social. Par exemple, il y a des cultures au cadre desquelles l’utilisation de certains mots ou expressions peut être considérée une insulte. Et de ce point de vue je pense que la manière la plus rapide d’apprendre à changer de code en fonction de son groupe social est de commettre une fois une erreur de ce type.
Le changement de code est également un outil psychologique puissant. Lorsqu’un individu utilise le dialecte ou l’accent d’un groupe, le public est plus réceptif au contenu, le meilleur exemple étant représenté par les politiciens, qui sont connus pour adopter un ton décontracté autour de certains groupes, avec plus ou moins de succès.
En lisant les mots de Benveniste c’est l’exemple de ma collègue dans la faculté qui m’est venu à l’esprit, ma collègue provenant de la région moldave de Roumanie et étant étudiante à Bucarest. Lorsqu’elle parlait au téléphone avec sa mère elle avait l’accent moldave et dès qu’elle finissait la conversation elle revenait à l’accent du sud.
Pour ce qui est du français, le meilleur exemple de ces situations serait, d’après moi, l’alternance registre familier-courant-soutenu, dépendant, évidemment, du contexte social:
Allez au lac vous marrer un peu.
«L’homme est le seul animal qui pleure et qui rie.»
«Aux dépens du bon sens gardez de plaisanter.»