Cavilam (Centre d’approches vivantes des langues et des médias) renouvelle l’offre de formation continue pour les professeur(e)s expérimenté(e)s, les formateurs de formateurs et les responsables pédagogiques des centres de langues, des Instituts et des Alliances Françaises avec le cours « Savoir enseigner le français : communication et médiation ». Au-delà de la richesse des contenus et de l’actualité, en matière d’information et d’approches didactiques, spécifique d’ailleurs aux stages Cavilam, dédiés aux enseignants de français langue étrangère, un mot clé, intriguant et banal à la fois, attire mon attention. Il s’agit de la médiation.
A. Types de médiation en classe de français langue étrangère
Tous les enseignant(e)s de langue étrangère font un travail de médiation entre la langue source et la langue cible pour leurs apprenants. En outre, cet effort est doublé par la médiation au niveau éducatif, en tant qu’éducateurs qui forment les sujets éducables. Que veut dire au fait «médiation» en cours de langue étrangère? En parcourant la structure du cours, dès le début, on affirme que «la médiation occupe une place centrale dans le Volume complémentaire du Cadre européen». On est tous «des médiateurs dans la vie quotidienne». Ensuite, j’observe que l’on opère avec les termes «la médiation des textes», «la médiation des concepts», «la médiation de la communication» et, finalement, «l’évaluation de la médiation». Avant de prendre la décision de suivre le cours, le besoin d’être bien informée m’a poussé à fouiller le réseau Internet, en vue d’esquisser une pré-analyse au concept de médiation et de trouver sa place dans l’enseignement du français.
B. La médiation linguistique pour les apprenants allemands
Les enseignants du français langue étrangère qui s’adressent aux apprenants allemands conçoivent les fiches d’évaluation par écrit, de manière à mettre les élèves en situation de fournir la version allemande pour des structures grammaticales et syntaxiques en français. En tenant compte des différences linguistiques entre l’allemand et le français, pour ce qui est de l’enchaînement des parties du discours, je considère que la consigne est bien justifiée. Les élèves sont mis en situation de médiation, au niveau linguistique, entre leur langue source et la langue cible qu’ils sont en train d’apprendre. Ainsi, ils montrent au professeur leur degré de compréhension de la séquence langagière. Le but principal de ce type d’exercice c’est de parvenir au sens, en laissant de côté les activités réceptives et productives de l’expression orale ou écrite.
Il est à préciser qu’en allemand, le verbe régit l’enchaînement syntaxique. A priori, on lui réserve toujours la deuxième place dans la phrase. Par la suite, en fonction de ses valences de sens, on distribue – dirait-on comme les cartes de jeu – les autres éléments linguistiques. On déduit que le sens à transmettre est primordiale, car, en fonction de celui-ci, le locuteur choisit le verbe qui remplit son besoin communicatif. D’abord, on pense au sens et puis, on choisit le verbe convenable, selon l’expérience langagière.
Pour les verbes à formes composés (par exemple, le passé composé), l’architecture de la phrase semble compliquée. L’auxiliaire occupe toujours la deuxième place, mais le participe passé est envoyé en position finale de la phrase. La structure syntaxique ne se modifie pas essentiellement. Il s’agit d’un positionnement formel du participe, par rapport aux formes verbales simples du présent. En français, il n’y a pas de saute syntaxique formelle, l’ordre des parties du discours reste inchangeable, lors de l’emploi d’un temps verbal soit à forme simple, soit à forme composé. Au moyen de la traduction, on vérifie si l’élève allemand saisit le verbe français au passé composé, mais aussi on le dirige vers la découverte des similitudes et des différences entre la structure syntaxique de la phrase en français et en allemand. Au niveau intermédiaire et avancé, l’apprenant allemand va expérimenter que le sens se construit petit à petit, mot après mot, de manière surprenante.
C. La médiation pour les apprenants roumains
Pour ce qui est des activités de médiation, en classe de français langue étrangère, pour le public d’apprenants roumains, le professeur utilise plus ou moins consciemment des activités de médiation.
La médiation de la communication
En vue de faire percevoir le sens aux élèves, en début d’apprentissage du français (surtout Vème classe), le professeur prend l’habitude d’utiliser l’image, la mimique, la gestuelle et l’intonation. C’est une situation de communication en classe de flé que l’on peut identifier avec la médiation. Un autre exemple pour la médiation de la communication, pendant les pratiques de classe, c’est lorsque le professeur lance une consigne, formulée en français, à un élève, disons l’élève E. Celui-ci ne comprend pas ce qu’il a à faire et, de manière spontanée, ses collègues lui suggèrent l’activité à accomplir. Ils prononcent un mot isolé en roumain ou en français, ils lui indiquent aussi l’action à exécuter ou bien, ils traduisent tout simplement la consigne. Il y a également des élèves qui expliquent en roumain ce que l’élève E doit faire, en reformulant la consigne. C’est tout un travail de médiation de la part de ses collègues. Tous jouent le rôle de médiateur entre le professeur et l’élève E. La question qui surgit de cette situation communicative c’est : «Les élèves, savent-ils vraiment comment faire de la médiation?» Il y a des cas où, malgré la bienveillance et le support de la classe, l’élève E ne comprend pas du tout ce qu’il a à faire. Malheureusement, les choses semblent se compliquer d’avantage pour lui.
Le recours inconscient à la stratégie de médiation peut faciliter la compréhension du texte en langue cible, mais ne garantie pas la formation de la compétence médiatrice. Pour le professeur de langue étrangère, communiquer uniquement dans la langue cible reste un idéal, surtout pour les niveaux élémentaires. Il est difficile et même impossible que les élèves renoncent à la langue maternelle, particulièrement pour comprendre les différences interculturelles. Un emploi planifié des stratégies de médiation suppose une bonne connaissance du niveau des apprenants et la pratique des activités langagières de changement de la perspective des locuteurs (par exemple : le jeu de rôle, le discours indirect, le compte-rendu). Il faut tenir compte qu’une situation de communication médiatrice suppose l’apparition d’un troisième locuteur, qui a le rôle de médiateur entre le locuteur et l’interlocuteur. La plupart du temps, le professeur joue deux rôles, celui du locuteur qui utilise la langue cible et celui du médiateur, facilitant la compréhension du message en langue cible. Parfois, ces deux rôles sont confondus. Bien sûr, pour le professeur de français langue étrangère, l’idéal serait de faciliter la compréhension, par l’intermède du langage cible, mais la pratique montre que l’on tire avantage assez vite des moyens de communication non-verbale, tout comme l’image, le cadrage du texte, la gestuelle.
Cependant, pour ce qui est du niveau intermédiaire ou avancé, définir et expliquer les mots et les expressions en langue cible, c’est une activité à ne pas confondre avec la médiation, parce que le but essentiel de ce type d’exercices c’est l’enrichissement du vocabulaire. Or on se sert de la médiation, surtout dans le but de faire comprendre le sens. La traduction est, par excellence, une méthode de médiation. Parfois, la traduction n’est pas suffisante pour la compréhension du sens. Par conséquent, on recourt aux explications complémentaires en langue source. Mais également, on peut mettre au profit le résumé, en tenant compte de la situation de communication, surtout l’âge et les centres d’intérêt.
La médiation interculturelle
La stratégie de médiation s’applique également au niveau culturel. Je me rappelle une séance d’atelier pratique de traduction, dans le cadre des cours à la faculté de la langue et de la littérature française, à l’Université Ovidius de Constanța. Le travail de trouver la meilleure version française d’un texte roumain ou inversement, c’était généralement axé sur le côté artistique de l’expression écrite, toujours avec le respect des règles grammaticales. Lors de la traduction d’un texte où le personnage, un bédouin traversant le dessert, avait son corps entièrement couvert d’un tissu noir, cette image-là était irraisonnable et plutôt fantaisiste pour nous, les étudiantes. Son équipement semblait être un choix de mode, en dépit du dramatisme. Par suite, notre groupe est arrivé à un certain blocage de traduction, il y avait des incertitudes, des interrogations… Il était tellement difficile à accepter sa manière de faire la traversée des sables, vu que pendant la période estivale, les habitants dans les zones au climat tempéré ont l’habitude de porter des vêtements légers et même de laisser leur peau exposée à la brise marine rafraichissante (en Roumanie, la brise de la Mer Noire). Les explications en roumain, par rapport aux différences culturelles concernant la manière de s’habiller représentent une stratégie de médiation. Ainsi, on se tient à l’écart des malentendus, on comprenait que le personnage était contraint à porter ces vêtements-là, tout en le soumettent à un effort supplémentaire, mais de survie dans un environnement hostile à la nature humaine. En outre, on nous a proposé le roman policier français, en vue de découvrir les spécificités de différentes manières d’agir et de vivre, tout en exerçant le raisonnement cartésien.
Pour ce qui est du livre bilingue pour un public (pré)adolescent, en tant qu’outil pédagogique en classe de flé, les notes en bas de page ont pour objectif, parmi d’autres, de faire comprendre les différences culturelles aux apprenants. Par exemple, dans l’édition bilingue parue à Booklet 2023, « Le meilleur collège de France » (N. M. Zimmermann), en version roumaine «Cea mai bună rea școală din țară» (Diana Morărașu), la note 1 en bas de la page 7 fait éclaircir aux lecteurs les différences entre les systèmes d’enseignement en France et en Roumanie, par rapport à la numérotation croissante, respectivement décroissante, pour les niveaux d’apprentissage au collège. Il s’agit bien de la médiation culturelle.
Il y a une quinzaine d’années, la simple traduction «baghetă» pour le mot «baguette» s’avérait insuffisante, concernant la référence du terme. Le mot posait des problèmes de compréhension aux apprenants roumains du niveau élémentaire. Il y avait des malentendus, vu qu’à l’époque, ce produit céréalier était une spécialité de pain insolite en Roumanie, un produit d’une forme bizarre, peut-être à cause de la faute du producteur. Alors, les explications techniques et historiques enlevaient les malentendus interculturels, tout en s’aidant de la photo du produit, puis de l’anecdote du pain pendant les campagnes de Napoléon. Actuellement, le mot « baguette » ne pose aucune difficulté de compréhension.
Les jeux de rôle, le résumé, la traduction et les exercices de transformation en discours indirect offrent les moyens pour former et exercer les compétences de communication médiatrices, nécessaires dans un contexte de communication interculturelle. Comprendre pour soi-même c’est salutaire, faire comprendre aux autres c’est précieux.
Sitographie
www.cairn.info/revue-ela-2012-3-page-325.htm
savoir.cavilam.com/courses/course-v1:SELF+CM+1/about
www.goethe-verlag.com/tests/DF/DF.HTM