Les textes publicitaires offrent un excellent corpus lorsqu’il s’agit de l’enseignement / apprentissage du superlatif en FLE. Et cela parce que les produits vantés par la publicité sont tous présentés comme les meilleurs en leur genre. C’est la raison qui nous a conduite à la conclusion qu’on pourrait, en tant qu’enseignant de FLE, voir le texte publicitaire comme un domaine de la création linguistique bourré de superlatifs de tout genre.
Très sommairement, on peut affirmer que le superlatif est de deux types : absolu et relatif. Le superlatif absolu exprime le haut degré d’une propriété, d’une qualité, d’un être ou d’un objet, sans plus exprimer de comparaison du tout. En FLE on le forme à l’aide d’un des adverbes : très, fort, bien, tout à fait, extrêmement, infiniment, etc. qu’on place avant l’adjectif, l’adverbe ou la préposition en question. Le superlatif absolu peut aussi être exprimé par des préfixes tels : extra-, super-, ultra-, archi-, hyper- ou par le suffixe -issime.
Le superlatif relatif exprime, lui, la qualité au degré le plus haut ou bien le plus bas en comparaison avec le même être ou le même objet – considéré dans des circonstances différentes – ou avec d’autres êtres ou objets. Le superlatif relatif a la structure : le plus … de, le moins … de. Le superlatif relatif peut être renforcé par des locutions telles : de beaucoup, de (bien) loin, du monde. La partie du superlatif relatif la plus privilégiée par la publicité reste, pour la raison que nous avons déjà indiquée, le superlatif relatif de supériorité.
Quand il explique le superlatif en FLE, l’enseignant commence d’ordinaire par un exposé portant sur les définitions des divers types de superlatif et il continue par la présentation des moyens de réalisation de ceux-ci. Ce n’est qu’ensuite que l’enseignant peut introduire des notions un peu plus compliquées – telles la référence, l’intensité, le lexème stéréotypé. Toute explication théorique est nécessairement accompagnée d’exercices de reconnaissance et d’analyse des divers types de superlatif, exercices qui ont pour but la fixation par les apprenants des nouvelles notions.
L’enseignant peut par exemple demander aux apprenants de faire la distinction entre le plus gentil chien et le plus gentil des chiens. L’ensemble de référence d’un superlatif relatif peut être limité („la publicité la plus intéressante de ce magazine”) ou illimité („la fille la plus belle du monde”, „le plus intelligent qui soit”).
L’enseignant peut aussi demander aux apprenants d’analyser des constructions telles „fort comme un Turc”, „fidèle comme un chien” – des lexèmes stéréotypés – afin de leur démontrer que celles-ci symbolisent en quelque sorte la possession d’une qualité à son degré le plus élevé. Ces constructions superlatives dérivent de la vision stéréotypée propre à une culture donnée, mais les apprenants de FLE peuvent remarquer facilement qu’une partie de cette construction peut être retrouvée à l’intérieur de leur culture maternelle. Les apprenants peuvent, par conséquent, recevoir pour tâche de trouver des lexèmes stéréotypiques communs à la culture française et à la culture roumaine. La source de ces constructions et les différences existant entre elles peuvent aussi être étudiées par la suite.
L’évaluation quantitative – l’expression du haut degré par exemple – suppose l’existence d’une norme tacite relative à des représentations socioculturelles, spécifiques à chaque culture et à chaque classe d’éléments comparables. Les repères explicites peuvent bien manquer lorsque l’on exprime l’intensité forte ou faible d’une qualité.
Si l’enseignant propose à l’analyse en classe de FLE des énoncés tels Il est gentil au plus haut point ou Il est extrêmement obligeant les apprenants peuvent se rendre compte que la notion de repère, de référence existe dans la classe des superlatifs et que celle-ci peut avoir une grande importance lorsqu’il s’agit de la compréhension d’un message en français. Après avoir acquis la conviction que les apprenants ont pris conscience des nuances et des difficultés concernant l’emploi des superlatifs, l’enseignant peut passer à la présentation et à l’exploitation pédagogique d’un corpus de textes publicitaires contenant des superlatifs que les apprenants seront désormais à même d’analyser à fond.
Le superlatif utilisé dans les publicités sous-tend une argumentation de type implicatif qu’on pourrait résumer par la formule : „si tel signe, alors tel comportement”. Le texte publicitaire dit de l’objet ou du service promu quelque chose – qu’il est le meilleur en son genre, par exemple – qui en justifie pleinement l’achat. Il a donc le rôle d’une justification passionnelle et rationnelle du comportement que la publicité doit engendrer.
À part l’emploi publicitaire de superlatifs que nous appelons ici „classiques” – qui trouvent toujours leur place dans la classe de FLE – on peut rencontrer de drôles de superlatifs qui, vu leur complexité mais aussi leur beauté, peuvent eux aussi être analysés en classe de FLE, surtout lorsqu’il s’agit d’apprenants d’un niveau avancé.
Les deux slogans suivants : Perrier, le Champagne des eaux de table et Plus qu’un parfum, un bijou… (publicité pour le parfum Boucheron) sont des textes publicitaires renfermant des constructions superlatives plus spéciales qui pourraient bien être étudiées en classe de FLE (surtout avec des apprenants de niveau avancé). Perrier est vraisemblablement une eau de table, mais comparée aux autres marques – qu’on n’a pas le droit de nommer dans la publicité -, elle est comme le champagne comparé aux vins, c’est le fin du fin. Perrier est donc une eau exquise, la meilleure des eaux de table. Le slogan Perrier, le Champagne des eaux de table peut bien être assimilé à un superlatif relatif ayant un repère (la classe, la catégorie des eaux de table) et un haut degré d’intensité que nous pouvons saisir grâce à nos connaissances socioculturelles.
Le slogan Plus qu’un parfum, un bijou… nous fait penser que ce parfum Boucheron qu’il vante est le meilleur des parfums grâce à l’une de ses qualités. Il est si rare, si précieux que l’on peut bien le considérer comme un bijou. Ce parfum acquiert en quelque sorte certaines qualités propres aux bijoux et il se situe, grâce à cela, au plus haut degré par comparaison aux autres parfums existant sur le marché. Ce slogan publicitaire peut lui aussi être considéré comme une structure comparative, bien particulière, cela va sans dire.
Ces deux slogans (pour l’eau Perrier et pour le parfum Boucheron) ont un point commun, ils reposent sur le même type de construction. Ils proposent pour des produits assez communs – tels l’eau et le parfum – des qualités caractérisant des produits qui leur sont supérieurs du point de vue financier et social – le champagne et le bijou -, mais avec lesquels ils ont quelques similitudes, quelques compatibilités sémantiques et pragmatiques.
Le champagne est, par rapport à l’eau, toujours un produit „buvable”, mais sa consommation est plus coûteuse et elle est liée d’habitude à la célébration de certains événements jugés importants.
Le bijou est destiné à la parure tout comme le parfum qui, lui, „embellit” du point de vue olfactif une personne. Les bijoux sont plus chers que les parfums et le fait de porter certains bijoux peut témoigner d’une aisance financière et d’un statut social élevé.
La consommation de l’eau, comme le fait de s’asperger de parfum sont des activités plutôt quotidiennes et communes qui sont relevées à un statut supérieur grâce à une comparaison implicite avec des produits appartenant à des classes supérieures.
On peut parler d’une rhétorique du texte publicitaire dans le sens qu’il existe des figures, des procédés que les concepteurs de publicité utilisent pour séduire le lecteur. Il est intéressant, voire même passionnant pour tout récepteur – y compris pour les apprenants de français langue étrangère – de savoir par quels procédés le texte a attiré son attention, l’a choqué agréablement et, finalement, l’a séduit. Il est toujours agréable et intéressant pour tout être qui se veut conscient de savoir par quelles petites ruses il a été accroché, par quel petit faible il a été manipulé. Les petits faibles des consommateurs composent la grande force des publicitaires.
Le slogan publicitaire est extrêmement bref, c’est un art de bien dire un message persuasif à vocation économique. L’originalité et la créativité de ses concepteurs seront à même de séduire et de convaincre les lecteurs des messages publicitaires – c’est-à-dire nous tous – que le produit qu’ils proposent à la vente est le meilleur qu’on puisse trouver sur le marché à un moment donné.
L’étude en classe de FLE de ce type de messages publicitaires est très utile, surtout lorsque l’enseignant veut pousser plus avant les connaissances linguistiques des apprenants.
La langue étrangère n’est pas seulement un inventaire de règles, de « formules de fabrication » à appliquer correctement, telles les règles de la formation du superlatif, par exemple, mais un organisme vivant, multiforme, surprenant qu’il faut analyser et interpréter correctement afin de pouvoir l’utiliser ultérieurement de façon appropriée. Les analyses de textes publicitaires semblent bien être à même de le démontrer pleinement.
Bibliographie
Maingueneau Dominique, Dunod, Paris,1994, Précis de grammaire pour les concours (nouvelle édition), pp. 115-116
Grunig Blanche, Presses du CNRS, Paris, 1990, Les mots de la publicité. L’architecture du slogan, p.79