Lorsque je m’intéresse auprès de mes élèves si ils ont des modèles, ils me regardent interloqués : à quoi bon et pour quoi faire ? ont-ils l’air de me rétorquer.
Je ne sais pas par quel algorithme de leur pensée ils associent, inévitablement, le modèle avec quelqu’un qu’ils doivent, nécessairement, imiter.
Or, l’imitation est, bien entendu, à bannir à dix-sept ans. Et, d’ailleurs, à tous les âges. Mais ça ne devrait pas être le sujet de mon article.
Alors, dans la classe, je m’entête de continuer la discussion sur l’importance des références morales (car c’est l’objectif de mon dialogue) et je leur expose mes arguments : leur présence dans nos vies nous rendent plus forts, les modèles tels que je les conçois, sont supposés d’être, avant tout, des repères et pas du tout des gens dont les vies sont à copier bêtement. Ils peuvent nous aider, par contre, à trouver notre propre chemin et, en aucun cas, suivre, à l’aveugle, le leur.
Les élèves deviennent alors un peu moins méfiants et il y a même quelques-uns à qui viennent à l’esprit un oncle ou un grand-père auxquels ils font la concession de présentent comme maîtres. Rien de négatif dans cette admiration que, peut-être, ils éprouvent envers leurs proches. Mais, me dis-je, ce n’est pas un peu trop limitatif ? Ils ne devraient pas chercher un peu plus loin ? On ne retrouve pas, dans ces réponses, exactement le manque d’originalité dont ils ont tellement peur ?
D’ailleurs, les psychologues se mettent d’accord en affirmant que le développement harmonieux de l’adolescent doit comporter une étape obligatoire : la distanciation de ses parents, la mise en cause de leurs principes et de leurs actions, voire une réaction adverse à la « définition du bonheur » de leurs aînés. En tout cas, confrontée à ces idiosyncrasies de la part de mon jeune public, je me suis demandée, à maintes reprises, pourquoi les ados ont-ils aujourd’hui cette appréhension par rapport aux modèles, aux idoles.
Ce n’est, en aucun cas, parce qu’ils n’en ont plus besoin. Tout au contraire. Aujourd’hui, comme jadis, nous avons tous besoin de figures lumineuses auxquelles nous rapporter, que nous sentions proches, auxquelles nous puissions faire une confiance non conditionnée. Des esprits à invoquer quand on est dans le pétrin.
J’observe, en revanche, une réticence qui est due, j’ai l’impression, à un manque d’entraînement à l’admiration. L’admiration, ça se cultive ! C’est une qualité qu’on acquiert par exercice. L’apprentissage/ enseignement de l’admiration j’ai envie de dire, devrait figurer dans le programme scolaire. Mais comme c’est une denrée rare, la générosité d’admirer ! Avoir le don de l’émerveillement c’est une vraie chance! Ç’est de la force, c’est une ouverture de nos horizons, ça aide à mieux voir et à mieux comprendre. Ça aide à se sentir moins seul. Ou pas seul du tout.
Ce que j’essaye donc de faire en adressant la question qui ouvre mon article est d’entrainer mes élèves à l’admiration, tout en cherchant et en choisissant leurs modèles. C’est ainsi qu’ils n’auront qu’à gagner : des amis inconditionnels et des anges gardiens.