Le stéréotype – étude d’un concept-clé de la didactique du FLE

A ce jour, de nombreux chercheurs ont élaboré différentes définitions du stéréotype. Nous en avons choisi quelques-unes que nous allons commenter par la suite, afin d’éclaircir dès le début de la présente étude le concept-clé que nous allons utiliser.

Le terme de stéréotype a été utilisé pour la première fois dans son acception socio-psychologique par Walter Lippmann (1922). Celui-ci n’est cependant pas le créateur du terme stéréotype, car il existait dès 1798. A cette époque-là il désignait le cliché typographique obtenu par coulage de plomb dans un flanc on une empreinte.

Pour Lippmann (1922), les stéréotypes sont „des images dans notre tête”, des concepts rigides sans lesquels nous plaçons les autres. D’après lui, ces concepts nous permettent de filtrer la réalité objective. Nous ne voyons pas avant de définir, mais nous définissons avant de voir, car nous sommes tous, de par notre appartenance à une culture, en possession de stéréotypes, de concepts qui viennent orienter toute perception de la réalité objective. Les travaux de Lippmann n’ont pas abouti à une analyse rigoureuse des traits spécifiques des stéréotypes.

Laurence Bardin définissait le stéréotype d’une façon similaire à Lippmann, mais son étude y ajoutait des précisions importantes sur la genèse des stéréotypes et sur quelques-uns de leurs traits caractéristiques. Il considérait que le stéréotype est „l’idée que l’on se fait de.., l’image qui surgit spontanément lorsqu’il s’agit de.., c’est la représentation d’un objet (choses, gens, idées) plus ou moins détachée de sa réalité objective, partagée par les membres d’un groupe social avec une certaine stabilité” (BARDIN, 1980, p. 51).

Nous partageons l’opinion de Laurence Bardin dans le sens que nous considérons que la représentation stéréotypée est si intimement liée à son objet qu’elle arrive à fleur de conscience dès que cet objet nous est présenté. Le stéréotype est une sorte de pensée – réflexe qui caractérise une communauté culturelle, la première idée ou image qui nous vient à l’esprit lorsque nous y pensons, la plus commune, la plus anodine, la plus largement acceptée par la communauté où elle a cours. L’adhésion par la communauté culturelle à ce type de croyance sur le monde constitue un facteur important qui en assure la cohésion. Appartenir à un groupe, c’est accepter, assimiler ses critères de taxonomie entre autres.

Le stéréotype se matérialise le plus souvent sous la forme d’une formule linguistique toute prête ou bien sous la forme „des images dans notre tête” ayant pour rôle de symboliser, de caractériser de façon succincte et parfois imagée la communauté culturelle.

Notre avis est que, pour qu’une idée ou une image soient un stéréotype, il est nécessaire que la majorité des membres d’une culture croient sans réserve que cette idée ou cette image caractérisent tous les membres d’un groupe culturel. Ce type de croyance sous-estime les variations, la diversité qui se manifeste habituellement à l’intérieur d’un groupe culturel.

Ceux qui disent que les Japonais sont industrieux ou que les Juifs ont un esprit de clan sont donc d’accord avec un stéréotype social courant et ils le font sans plus y réfléchir avant. Or, ce que nous nous proposons d’étudier, c’est justement la réflexion, l’analyse de ces idées toutes faites, car elles sont vraisemblablement plus ou moins détachées de la réalité objective qu’elles caractérisent.

Sans aucun doute, les stéréotypes ne reflètent pas de façon objective la réalité et nous pouvons même affirmer que beaucoup d’entre eux sont le résultat de malentendus culturels, de connaissances incomplètes, ou erronées, d’une interprétation simpliste et réductrice du réel.

Nous sommes d’accord que, lorsque la communauté est tombée d’accord sur les étiquettes qu’elle va appliquer aux diverses communautés (étrangères ou non), cet étiquetage devient résistant au changement. La relative stabilité de la croyance stéréotypée constitue, de même que la quasi-unanimité que présuppose son acceptation au sein d’une communauté culturelle, une des caractéristiques principales du stéréotype. Les membres de la communauté culturelle vont éviter l’information qui entre en contradiction avec cette croyance et qui en remet en question le bien-fondé.

Le stéréotype n’est quand même pas perenne. Les chercheurs ont pu enregister durant les années l’apparition, l’évolution (le changement) et, des fois, la disparition de certains stéréotypes. Ceux-ci ont donc une histoire, comme l’affirmait François Poirier dans l’étude Les stéréotypes (in CAIN, 1988, p. 38), ils évoluent avec le temps malgré la tendance manifeste du groupe culturel de les maintenir en place le plus longtemps possible.

Comme de nombreux chercheurs l’ont affirmé, (parmi ceux-ci BARDIN, 1980, p. 51) la constitution du stéréotype est liée sourtout à un principe d’économie en ce qui concerne la perception de la réalité. Nous ne pouvons pas tout connaître, tout voir, mais nous acquérons au sein de notre culture des stéréotypes. Ceux-ci nous fournissent un maximum d’informations sur le monde à un „coût” minimal – nous ne devons plus y réfléchir et l’effort qu’il nous faut faire pour les retenir n’est guère considérable.

Les individus éprouvent le besoin de percevoir le réel comme étant structuré, sa diversité ne peut pas être appréhendée et ils doivent donc recourir à des simplifications, à des généralisations, à des catégorisations – à des stéréotypes. Leur extrême simplicité et leur haut degré de généralisation les rendent fortement opérationnels. Le terme de stéréotype est, comme nous l’avons déjà affirmé, originaire de l’imprimerie et signifie „quelque chose que l’on peut reproduire”. Nous pouvons donc considérer que le stéréotype est un vrai „prêt-à-penser”, une formule très restrictive qui rend tout très assimilable.

La définition du stéréotype étant, à notre avis, la plus appropriée à notre étude est celle de R. Preisweck et D. Perrot. Le stéréotype est, selon les deux auteurs, „un ensemble de traits censés caractériser ou typifier un groupe, dans son aspect physique et mental et dans son comportement” (PREISWERK et PERROT, 1975, pp. 237-238). Nous devrions ajouter que cet „ensemble de traits” est élaboré par un groupe culturel à la suite d’au moins deux opérations essentielles : la simplification et la généralisation.

Le stéréotype peut caractériser aussi bien une communauté nationale à laquelle on n’appartient pas – le hétérostéréotype – que celle dont on est membre – l’autostéréotype. Les stéréotypes relatifs à son propre groupe culturel sont habituellement complexes et très nuancés. Au contraire, le manque de contact avec les membres d’un autre groupe culturel peut engendrer des stéréotypes très simplifiés.

Nous considérons que les hétérostéréotypes sont souvent non pas le moyen par lequel les individus trouvent une solution à l’excès d’information, mais plutôt le moyen qu’ils utilisent pour faire face à un manque d’information.

Le stéréotype qui a pour but de caractériser une communauté étrangère va refléter, en même temps avec le pays étranger concerné, l’idéologie de la communauté qui l’a engendré et qui va s’en servir (POIRIER in CAIN, 1988, p. 42). Le filtre national à travers lequel il a été constitué peut fournir implicitement des renseignements quant au système de valeurs du pays où l’on va utìliser le hétérostéréotype. C’est pourquoi les messages destinés aux membres d’une culture étrangère doivent être conçus en tenant compte des stéréotypes ayant cours au sein de la communauté à laquelle ils sont adressés. Méconnaître ces stéréotypes c’est, bien des fois, engendrer de sérieux malentendus.

Même les messages adressés aux membres de la culture maternelle – tels les articles de presse – peuvent avoir des suites fâcheuses lorsque, par le biais des revues de presse internationale, ils sont réceptés par des étrangers.

La plupart des gens croient à l’objectivité du stéréotype étant convaincus que sa production repose sur un nombre suffisant de faits ou qu’il doit contenir „un germe de vérité”. Cette vérité, qui est le résultat d’une généralisation abusive, est appauvrissante, car trop restrictive. Or, comme le stéréotype „vient immédiatement remplacer ou orienter l’information objective ou la perception réelle” (BARDIN cité par ZARATE, 1986, p. 64) nous pouvons affirmer qu’il nous oblige à regarder les choses, les autres, nous-mêmes d’un certain angle de vue, celui de notre culture maternelle.

Outre l’incontestable dimension cognitive du stéréotype, Laurence Bardin considère que „le stéréotype plonge […] ses racines dans l’affectif car il est lié au préjugé qu’il rationnalise, justifie ou engendre” (ibidem, p.64). La notion de stéréotype évoque celle de préjugé et de discrimination. Le préjugé est, dans son acception la plus courante, une prédisposition à réagir de façon favorable ou défavorable à une personne, à un objet, à un groupe culturel dans notre cas, sur la base de son appartenance à une classe, à une catégorie.

Nous considérons que le stéréotype a assurément une composante affective, car la remise en cause de sa propre culture, la hantise de la différence, de l’autre, peuvent susciter des réactions affectives qui ont été inconsciemment englobées dans le stéréotype qui va définir une communauté culturelle étrangère ou maternelle.

Bibliographie

Bardin Laurence, 1980, L’analyse de contenu, Paris, Hachette, Collection F Recherches/Applications

Cain Albane (sous la direction de), 1988, L’enseignement de la civilisation (langues vivantes, second cycle), Paris, INRP, Département des didactiques

Preiswerk R., Perrot D., 1975, Ethnocentrisme et histoire, Paris, Editions Anthropos

Zarate Geneviève, 1986, Enseigner une culture étrangère, Paris, Hachette, Collection F. Recherches/ Applications

 


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prof. Silvia Cîrstea

Colegiul Național Ienăchiță Văcărescu, Târgoviște (Dâmboviţa), România
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