Le professeur du troisième millénaire

Un bon enseignant peut être un grand défi pour ce troisième millénaire. Est-ce que le professeur de ce siècle doit se transformer ? Est-ce qu’un robot pourrait pratiquer le métier d’enseignant et le faire mieux qu’un être humain ? Ce sont des questions auxquelles on essaie de répondre pour redéfinir le rôle de l’enseignant dans cette nouvelle société subjuguée par l’intelligence artificielle.

Mais avant tout, comment peut-on définir le métier d’enseignant ? Et qu’est-ce que c’est un bon prof ? Enseigner c’est faire acquérir la connaissance ou la pratique d’une science, d’un art, d’une discipline, mais être professeur c’est beaucoup plus. Un professeur doit, bien sûr, transmettre des connaissances, mais aussi savoir organiser le travail en classe, travailler en équipe, évaluer non pas pour sanctionner les erreurs, mais pour éclaircir, encourager et motiver les élèves. Un enseignant doit faire apprendre les élèves à agir dans un environnement économique, culturel et social et à créer des relations. Ainsi, un enseignant doit contribuer à transmettre aux apprenants non seulement les matières inscrites au programme éducatif, mais également les valeurs généralement admises et prônées par la société dans laquelle nous évoluons.

Un bon professeur doit bien maîtriser sa discipline et avoir le désir de partager, doit avoir la capacité d’observer, d’analyser, de structurer et d’évaluer, l’habileté à capter l’attention, à concevoir et à faire des stratégies et la facilité de communiquer et de faire circuler l’information. Compétent, disponible, à l’écoute des élèves, réceptif, imaginatif, dynamique, respectueux, patient, à jour, bon communicateur ce sont autant de qualités qu’on demande à un professeur idéal. Si le métier d’enseignant se réduit seulement à ces compétences et à ses qualités, on pense qu’un robot peut être un meilleur professeur. Un humanoïde peut être un bon communicateur verbal, peut être une encyclopédie, avoir des réponses à toutes les demandes d’informations formulées par les élèves, mais est-ce qu’il peut transmettre des valeurs et des attitudes ? Est-ce qu’il peut maîtriser la communication non verbale ? Est-ce qu’il peut établir le silence dans une classe sans utiliser les modes verbaux de communication ? Un professeur humain peut imposer son autorité devant les élèves sans crier, seulement par des gestes, mimique et attitude. Un professeur peut être un modèle d’élégance pour certains de ses élèves, un modèle d’attitude ; ce sont des valeurs qu’on n’apprend pas, mais on adopte ou on imite. La communication non verbale aussi importante en classe que celle verbale reste une grande provocation pour les créateurs d’androïdes.

Un autre aspect du métier d’enseignant qui me semble impossible à être adopté par un robot c’est le côté sentimental. Un bon prof doit aimer les élèves, doit avoir de la passion pour ce métier. Enseigner c’est établir une relation et, si on ne crée pas d’abord le contact, il ne peut pas y avoir transmission des connaissances. Il y a donc une dimension  affective et interpersonnelle essentielle dans l’acte d’enseignement. Est-ce que les robots ont du cœur, est-ce qu’ils sont capables d’avoir des sentiments ? Est-ce qu’on peut apprendre à aimer ou à sentir ? Les robots destinés aux services à la personne sont-ils capables de mimer toute une palette d’émotions dans leur comportement pour être acceptés sans réserve dans « l’intimité » de la classe ?

L’enseignant est le maître dans sa classe. Il doit conduire l’apprentissage, faire des scénarios, des stratégies, trouver des solutions et prendre des décisions. Un robot peut remplir une liste de tâches programmées par l’homme dans un environnement connu, mais confronté à un événement totalement imprévu, il ne peut pas « imaginer » la bonne réaction, ce qui est le propre de l’intelligence humaine. Est-ce qu’il peut faire face aux élèves révoltés et désobéissants?

A mon avis, si l’humanité accepte de remplacer l’enseignant par le robot on risque de perdre l’autorité humaine sur la Terre. Cette planète deviendra un monde des humanoïdes où l’homme ne retrouvera plus sa place. Est-ce que tous peuvent devenir des créateurs d’androïdes ? Alors quoi faire ? Quelle sera notre rôle dans ce monde ? Quelle serait notre préoccupation ?

Par conséquent, l’enseignant du troisième millénaire doit rester humain. Avec l’intégration de la technologie et les différentes innovations pédagogiques, l’éducation connaît de profonds changements qu’il est difficile de prédire ce à quoi va rassembler l’enseignement dans les prochaines années. Dans ce siècle de nombreux outils numériques et mêmes les robots de type Sophia (le premier robot qui est reconnu mondialement comme citoyen saoudite) ou Saya (un anthropoïde féminin – enseignant créé par les chercheurs de l’université de Tokyo) deviendront accessibles au plus grand nombre d’entre nous. On peut également prévoir que l’apprentissage à distance prendra une part de plus en plus importante dans l’éducation au cours des prochaines années. Il deviendra de plus en plus naturel de suivre l’enseignement d’un professeur localisé dans une autre ville ou un autre pays, comme il est de plus en plus intuitif de réaliser de nombreuses activités de la vie courante en ligne. Dans ce cadre les robots peuvent contribuer à cette transition, tout en aidant à « humaniser » certaines expériences numériques et à distance en classe (donner un visage à un enseignement plutôt que de le concevoir à travers une tablette ou un simple écran).  Comme pour de nombreux outils technologiques, la place et le rôle des robots dans l’éducation sont subordonnés à la manière dont les enseignants et les élèves choisiront de les utiliser. Donc il n’est pas question de remplacer les professeurs par les machines, quelque intelligentes qu’elles puissent être, mais de réfléchir à la manière de bien intégrer un outil qui a déjà fait son entrée dans l’éducation.

Classifié par Sigmund Freud comme un des trois métiers « impossibles » (à côté du métier de gouverner et de celui de soigner) parce que  les résultats sont incertains, et bien souvent on ne voit pas l’effectivité de son travail, être professeur peut redevenir un métier attrayant car il peut t’apporter aussi beaucoup de satisfaction. Les petits bonheurs, on les trouve aussi dans la satisfaction de voir une classe se dérouler comme on l’avait prévue. Rencontrer des anciens élèves qui nous remercient, nous témoignent de la sympathie ou nous rappellent un mot, une attitude qui les ont marqués, c’est aussi un motif de satisfaction. C’est aussi l’occasion de constater que ce qui marque durablement s’exprime plus en termes de compétences, d’attitudes que de connaissances.

prof. Dana Aruștei

Colegiul Tehnic Miron Costin, Roman (Neamţ) , România
Profil iTeach: iteach.ro/profesor/dana.arustei

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