Considérations théoriques sur le langage et la communication

La faculté propre à l’homme d’exprimer et de communiquer sa pensée au moyen d’un système de signes vocaux ou graphiques, le langage inclut la connaissance du sens des mots et la capacité à organiser ces mots en phrases, devenant un moyen de communication. L’étude du langage comporte deux parties : l’une qui a pour objet la langue –sociale dans son essence et indépendante de l’individu, et l’autre qui a pour objet la partie individuelle du langage, c’est-à-dire la parole. Ces deux objets sont étroitement liés et se suppose l’un l’autre : la langue est nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise ses effets, mais celle-ci est nécessaire pour que la langue s’établisse.

À ce propos, dans le chapitre « Linguistique de la langue et linguistique de la parole », Ferdinand de Saussure pose la question : « Comment s’aviserait-on d’associer une idée à une image verbale, si l’on ne surprenait pas d’abord cette association dans un acte de parole ? »  D’autre part, c’est en entendant les autres que nous apprenons notre langue maternelle, c’est donc la parole qui fait évoluer la langue. Nous pouvons dire que la langue est à la fois l’instrument et le produit de la parole, ce qui ne les empêche pas d’être deux réalités distinctes. Saussure distingue la langue, conçue comme fait social, de la parole, comme exécution individuelle de celui qui parle ou qui écrit. Par la langue, Saussure désignait le système même de la langue, c’est-à-dire l’ensemble de toutes les règles qui, au sein d’un état de langue donné, détermine l’emploi des sons, des formes et des moyens d’expression syntaxiques et lexicaux. Autrement dit, la langue est le système supra-individuel dont l’existence est la condition même de la communication entre les hommes. Le système est attribué à la société et seule la langue est rationalisable. La langue est constituée par « la partie sociale du langage, extérieure à l’individu qui, à lui seul, ne peut ni la créer ni la modifier ». Elle est constituée par l’ensemble des signes utilisés et leurs règles de mise en œuvre, alors que la parole est l’usage de cet ensemble par un individu donné quand il s’exprime. Par extension, la langue est le code social, l’institution, dont l’existence permet à l’individu l’exercice de la faculté du langage. La parole est le discours qu’on articule en composant les signes de la langue. Le langage est la faculté universelle de parler dont la langue n’est que la réalisation dans une communauté donnée.

C’est la langue comme système, sa forme ou logique interne et les lois de son évolution, qui sont l’objet de la linguistique et non la manifestation concrète de la langue dans la parole individuelle. La langue pour Saussure est forme, non substance. La parole est individuelle : elle extériorise les combinaisons du code selon l’intentionnalité signifiante de celui qui parle. La langue est un objet stable, seul possible pour une science, alors que la parole dépend de la réalisation de chaque locuteur. La distinction saussurienne entre langue et parole constitue l’un des fondements de la linguistique contemporaine. Selon le linguiste français, il faut partir des choses pour définir les mots et non pas vice-versa. Nous pouvons en distinguer les caractères de la langue :
1) Elle est la partie sociale du langage, extérieure à l’individu est sa principale fonction est de permettre la communication.
2) La langue, distincte de la parole, est un objet qu’on peut étudier séparément.
3) Tandis que le langage est hétérogène, la langue ainsi délimitée est de nature homogène ; c’est un système de signes où il n’y a d’essentiel que l’union du sens et de l’image acoustique, et où les deux parties du signe sont également psychiques.
4) La langue n’est pas moins que la parole un objet de nature concrète. Les signes linguistiques, pour être essentiellement psychiques, ne sont pas des abstractions ; les associations ratifiées par le consentement collectif, et dont l’ensemble constitue la langue, sont des réalités qui ont leur siège dans le cerveau. L’écriture peut fixer les signes de la langue dans des images conventionnelles, tandis qu’il serait impossible de photographier dans tous leurs détails les actes de parole.

C’est cette possibilité de fixer les choses relatives à la langue qui fait qu’un dictionnaire et une grammaire peuvent en être une représentation fidèle, la langue étant le dépôt des images acoustiques, et l’écriture la forme tangible de ces images.

« La langue est un système de signes exprimant des idées » . Ce système de la langue est supra-individuel et il rend possible la communication humaine. La langue n’est pas constituée d’éléments isolés possédant leur sens en eux-mêmes et sans raison entre eux. Elle forme un ensemble dans lequel tous les constituants se définissent par oppositions ou complémentarités. Chaque élément ne peut se définir que dans un rapport aux autres : « les mots n’ont pas de sens, ils n’ont que des usages ».  Un signe n’a pas de valeur absolue, mais une valeur relative ; les signes agissent donc non par leur valeur intrinsèque, mais par leur position relative. Ce qui fait sens, c’est l’écart entre les signes. « Le signe n’est en effet ni chose ni conscience, ni produit ni constitué ; c’est un rapport dialectique entre l’individu et le système. »  Le discours comme mise en œuvre d’un système de différences, voilà ce qui apparaît comme étant à décrire et à penser. Enfin, parole et langue ne s’opposent plus dans le discours et la levée de cette opposition, c’est la notion même de signe qui la rend possible.

Outre le découpage caractéristique de son matériel sémantique, le système de la langue est caractérisé par un ensemble de règles ou structures syntaxiques régissant de façon normative l’ordre dans lequel les monèmes (les plus petites unités de sens) doivent être rangés dans la succession linéaire de la chaîne des signifiants, afin que se trouvent signifiées des relations logiques déterminées, entre les contenus de sens des monèmes. Tout énoncé faisant sens se fait ainsi par juxtaposition syntaxique de monèmes choisis par celui qui parle (le locuteur) dans le lexique de la langue et ordonnées selon les règles syntaxiques propres à la grammaire de la langue. Ainsi la sémantique concerne la signification, la morphologie la forme des mots (déclinaisons, conjugaisons) et la syntaxe l’ordre des propositions. Toutes ces parties du langage se retrouvent dans la communication.

Le langage est définit par « un système de signes socialisé. On entend par système un ensemble structuré de faits interdépendants. »  L’approche analytique la plus commune au langage se fait généralement par sa forme écrite. Dès notre enfance, nous nous faisons corriger lorsque nous faisons une faute de grammaire, lorsque nous ne conjuguons pas correctement un verbe, lorsque nous utilisons un pluriel qui n’est pas exacte. Cependant, la linguistique ne s’intéresse que relativement peu à l’aspect écrit du langage et presqu’exclusivement à sa forme orale. Les raisons sont multiples, et en voici trois des plus importantes :
a) Le langage dans sa forme orale est apparu bien avant l’écriture dans l’histoire de l’homme.
b) Le langage existe d’abord et avant sous forme orale ; il est appris d’abord sous cette forme par tous les enfants  pour être ensuite enseigné dans sa forme écrite. De plus, il est possible de maîtriser très bien une langue et d’en ignorer l’orthographe.
c) Ce lien entre la langue écrite et la langue parlée tend à diminuer avec le temps. L’orthographe a commencé à se fixer plus ou moins avec l’arrivée de l’imprimerie, mais les prononciations ont continué d’évoluer.

On considère souvent le langage comme le moyen d’exprimer une idée ; il serait donc un instrument de la pensée. Il y a pourtant des cas où le langage semble nous dépasser : c’est le cas du lapsus lorsque nous disons autre chose que ce que nous voulons dire ; et dans le cas où l’on parle pour ne rien dire, comme quand on parle de la pluie et du beau temps. Nous nous posons la question si le langage n’est qu’un instrument de communication et d’expression. Ne fait-il qu’exprimer une pensée ? Cette problématique philosophique du langage concerne le statut métaphysique de la pensée : si la pensée préexiste au langage, il est possible de se passer de cette forme matérielle ; mais si la pensée ne peut se réduire au langage, alors ce dernier a un pouvoir spécifique, indépendant des autres facultés. Ce problème de la liaison du langage et de la raison est lié également à la question de savoir si le langage révèle la nature spirituelle de l’homme.

Parmi les spécificités du langage humain, nous mentionnons :

  • La capacité à l’alternance : c’est ce qui permet un aller-retour entre les interlocuteurs dans une véritable communication à double sens.
  • La capacité à exprimer des liens logiques : elle permet que naisse l’argumentation.
  • La capacité à exprimer la mémoire du passé : l’aboutissement le plus achevé de cette capacité est l’écriture, mais la transmission orale existait antérieurement, usant de cette même capacité.
  • Le langage humain est acquis, tandis que le langage animal est inné. En effet l’homme doit apprendre à parler : à 4-5 mois il gazouille, à 10 mois il connaît trois ou quatre mots pour maîtriser l’usage de plus de 3000 mots vers 3 ans.
  • La capacité d’abstraction des mots est ce qui nous différencie assurément des animaux. Car l’abstraction est le principe même du fonctionnement du dire c’est ainsi que la polysémie et la synonymie ne sont pas des accidents du langage, ce sont des caractéristiques permanentes du fonctionnement du langage. C’est cette capacité abstraite du mot qui nous permet de décrire avec une infinité de nuances une réalité.

Ce n’est donc pas grâce au langage à proprement parler que nous pouvons communiquer mais par le biais de notre capacité de logique à mettre en forme nos idées de manière sémantique structurée.

La parole est le moyen de concrétiser le langage et la connaissance d’une ou plusieurs langues par la production de la voix. Mais la parole n’est pas nécessaire pour produire le langage : on peut utiliser le langage écrit et le langage des signes pour exprimer un nombre infini des choses.

Les gestes que nous faisons en parlant font partie du message : ils ponctuent la parole, la souligne ou la renforce. Ils peuvent aussi se substituer à la parole, ou lui donner un sens différent. Ces expressions non-verbales sont parfois déroutantes, elles peuvent avoir une signification différente selon le pays. En Grèce, un mouvement de la tête de droite à gauche signifie l’approbation, alors qu’en France ou en Roumanie il indique le refus. En voilà quelques exemples :
-Excellent ! Bravo ! (Le puce levé indique l’approbation, les félicitations que l’on adresse à quelqu’un.)
-Non, merci ! (On refuse poliment quelque chose ou une invitation en levant la main, la paume tournée vers l’extérieur, la tête légèrement inclinée.)
-Tu vois, je te l’avais dit ! (La paume de la main est montrée, un air triomphant éclaire le visage. Ce geste exprime l’assurance d’avoir raison, la confiance en soi.)
-Pourvu que ça marche ! (L’index croise le majeur pour exprimer l’espoir que quelque chose que l’on entreprend se passera bien.)
-La ferme ! (Les doigts font un mouvement qui imite une bouche qui se ferme. On demande ainsi, assez rudement, à quelqu’un de se taire.)
-Motus et bouche cousu ! (On passe ses deux doigts sur les lèvres pour indiquer que ce qu’on dit est secret, qu’il ne faut pas le révéler à d’autres.)
-Chut ! (L’index se place sur les lèvres pour demander le silence.)
-Je n’y peux rien ! Ce n’est pas ma faute ! (Les épaules se soulèvent comme pour cacher le visage, les mains se tournent vers l’extérieur, comme pour montrer qu’elles sont vides. Ce geste exprime l’impuissance devant une situation, l’impossibilité de proposer une solution à un problème.)
-Excellent ! Extra ! (Le pouce et l’indexe forment un petit cercle, les quatre doigts sont ouverts, le visage sourit. Ce geste exprime l’appréciation, en particulier pour un plat, une recette de cuisine.)

Bibliographie
1. Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Édition Payot, Paris, réédition 1985
2. France Farago, Le langage, Éditions Armand Colin, Paris, 1999
3. Francis Vanoye, Expression et Communication, Armand Colin Éditeur, Paris, 1990

 

prof. Bianca Monica Matei

Casa Corpului Didactic Sălaj (Sălaj) , România
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