«Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les esprits s’ouvrant aux idées.» (Victor Hugo, Discours inaugural du Congrès de la paix, prononcé à Paris, le 21 août 1849, in «Œuvres complètes, Actes et Paroles» I, Paris Hetzel, 1882) Oh, combien actuel et combien optimiste était ce discours, vieux, néanmoins, de plus de 170 ans ! Qu’est-ce qu’on peut souhaiter de plus de nos jours ? Ce n’est pas, peut-être, dans les mains des profs de faire disparaitre les guerres, mais inciter à l’ouverture aux idées, oui, sans nul doute. Dans notre profession, insister sur l’importance du fait de s’ouvrir au monde, aux différences, aux couleurs que le monde peut nous apporter, à condition que nous les recherchions, est essentiel.
En tant que professeur de français, j’essaie de transmettre à mes élèves que partir, au sens propre et au sens figuré du terme, à la découverte d’une culture et d’une civilisation formidables comme celles françaises, s’avère extrêmement enrichissant. Et les jeunes esprits dont nous nous occupons et préoccupons quotidiennement, ont vraiment besoin de creuser les idées nouvelles, d’accepter les différences, pour devenir plus forts, ou, en tout cas, moins vulnérables.
Je ne suis pourtant pas naïve, je vois chaque jour que la langue française, comme langue étrangère, perd du terrain devant le tout-puissant anglais, dans un monde où on veut tout faire rapidement, apprendre à la va-vite, obsédés comme nous sommes par l’efficacité. Comment, dans ce contexte, motiver les élèves, comment les déterminer à faire l’effort considérable que l’apprentissage du français suppose?
La mission parait impossible et pourtant ! On peut se rejouir, tous les ans, des élèves qui se passionnent pour le français et pour la France, pour sa culture et pour son savoir-vivre. Parmi ces jeunes, certains profitent ensuite de la grande chance de pouvoir y étudier. Ils feront alors connaissance avec un univers qui les étonne tout le temps, qui les émerveille, parfois.
Pour illustrer ce que je viens de dire, j’ai interrogé mes anciennes élèves, désormais étudiantes ou doctorantes en France ou, dans un troisième cas, a une élève en terminale et en train de partir continuer ses études en France, sur leurs expériences ou/et sur leurs perspectives. Je les laisse témoigner de leur vécu en France ou, dans le cas d’Alexandra, de ses espoirs.
Voilà ce que m’a confié Betty, étudiante en communication à l’Université Paul Valery de Montpellier : ” En dépit des obstacles rencontrés à mon arrivée en France, cette expérience a été une des plus formatrices jusqu’à présent. Depuis que je suis en France, j’ai pu découvrir d’autres cultures, d’autres perspectives et opinions, mais aussi apprendre à me débrouiller seule.
Partir seule pour faire mes études a été une provocation, avec des hauts et des bas, mais la France et les personnes que j’ai rencontrées ici m’ont fait aimer cette décision et être fière de moi-même.”
Et puis, Bianca, diplômée en Arts de la scène et du spectacle vivant, à l’Université de Strasbourg :” Je pense que tout départ touche à la fois à l’intime et au politique, surtout dans le contexte d’un pays marqué par l’émigration. Si je devais me placer en rapport avec ce phénomène, j’ai été dans une situation de grand privilège. Je suis partie pour faire des études et je suis partie pour voir autre chose. Partir, d’une certaine façon, c’est ça : se dire qu’on n’est pas limité aux projections de notre entourage, de la société, et ainsi de suite. Partir c’est aussi se confronter aux sonorités d’une autre langue qui, les premiers mois, peut donner des migraines jamais connues. En revanche, ce départ a été un grand terrain de jeu et d’expérimentation. Je me suis redécouverte et j’ai moins peur d’essayer ou de me tromper.”
Et, a la fin, l’émotion qu’Alexandra éprouve, préparant son dossier pour la faculté de psychologie à l’Université de Rouen :” En ce qui concerne le départ, je pense que c’est la bonne décision pour échapper à une bulle de monotonie Je suis consciente que ce sera difficile, mais c’est exactement ce qui me donne confiance et l’espoir que je suis sur une bonne voie. J’aime les défis, je les trouve très stimulants et je considère qu’étudier à l’étranger est une façon complexe de faire face à vos peurs, de vous intégrer socialement dans une culture différente et, en même temps, tester vos limites. J’ai ainsi l’impression que c’est la première fois quand je fais quelque chose pour moi-même, pour progresser et pour explorer mon potentiel au maximum. Je suis tout à fait ouverte vers un système d’éducation qui, j’en ai pleine confiance, peut m’offrir de nombreuses possibilités, mais aussi une chance d’être heureuse.
Pour boucler, j’aimerais dire que peu importe le résultat, je ne regretterai jamais mon choix! Ma passion pour la culture française, pour la manière de vivre à la française a eu une forte influence sur ma décision. Pour faire un changement vous devez prendre un risque, et un changement total de rythme et de vie est mon genre de risque.”
Il n’est pas donc question d’idéaliser, à tout prix, le départ, ou de croire qu’étudier en France c’est la garantie du succès facile. Néanmoins, comment ne pas se réjouir d’immenses bénéfices culturels et humains que l’échange d’idées, le dialogue, le débat, les défis intellectuels et civilisationnels, en général, peuvent apporter aux jeunes adultes parlant français et ouverts vers une culture et une civilisation difficile à égaler. Apprenons donc le français et soyons ouverts d’’esprit pour ouvrir des portes, tout en se réjouissant !