Dans l’article «Penser, classer, comparer: faire de la grammaire», Jean-Paul Vaubourg conseille de repenser les leçons de grammaire pour faire l’élève nouveau, qui est en difficulté avec la langue, l’utiliser comme moyen de communication scolaire dans tous les domaines, comme langue de scolarisation. Il ne faut pas réduire la dimension communicative d’une langue à la seule maîtrise de la compétence linguistique, mais on ne peut pas s’exprimer sans prendre en considération les spécificités de la langue française, et cela d’autant plus que les élèves des classes d’accueil vont prendre place dans un système de formation, celui des collèges, dans lequel la référence à la grammaire et à une grammaire normative est une constante de la formation. Savoir communiquer, ne l’oublions pas, consiste à pouvoir produire automatiquement des énoncés corrects.
J. P. Vaubourg introduit dans son article la question des comparaisons interlangues. La valorisation du répertoire langagier maternel : la langue, ou les langues déjà acquises dans le pays d’origine des ENA, peut aider les enfants à apprendre la nouvelle langue et les autres matières scolaires. Cette « hypothèse de l’interdépendance entre les langues »signifie que, à part des compétences langagières, chaque individu développe aussi des compétences cognitives, pragmatiques et des techniques pour apprendre une langue ou pour s’exprimer. Il est fort évident que l’apprentissage d’une langue étrangère passe obligatoirement par le filtre de la langue maternelle de l’apprenant et que l’analyse contrastive peut entraîner une réflexion sur la langue étrangère à partir de la langue maternelle, par analogie ou par contraste.
La démarche de comparaison des langues s’apparente à une démarche de résolution de problème et met en jeu une observation méthodique de faits de langue, dans une démarche inductive. La comparaison de langues semble ainsi faciliter l’observation de faits de langue, telle que la propose une démarche linguistique. Celle-ci permet tout d’abord de faire un pas de côté par rapport à une langue première dont la pratique est si familière qu’elle relève de l’évidence.
Elle développe ainsi une curiosité et une attention par rapport aux faits de langue. Un tel étonnement remet en perspective des connaissances grammaticales apprises, connaissances déclaratives répétées sans avoir été construites par l’observation ni comprises. La recherche de régularités dans une langue invite aussi à s’intéresser principalement aux cas fréquents par rapport aux exceptions, privilégiées dans certains matériels d’enseignement.
Au-delà des contenus travaillés, de telles démarches développent donc des compétences méthodologiques d’observation des fonctionnements des langues, de recherche de régularités, d’attention aux marques formelles, qui sont requises également pour observer le fonctionnement de la langue de scolarisation.
Le DVD Démarche d’apprentissage du français auprès des enfants nouvellement arrivés créé par Nathalie Auger propose une démarche interculturelle dans laquelle chacun est expert de sa langue (l’enseignant comme l’élève), chacun découvre le système de l’autre (l’enseignant aussi, sans connaître les langues des élèves, il en comprend des fonctionnements) dans une relation d’empathie, face à l’autre. La démarche sert simplement à déceler les points communs et les différences entre les langues pour favoriser l’appropriation d’une langue nouvelle. L’apprentissage s’effectue ensemble, entre élèves et enseignant, en prenant en compte les singularités du groupe-classe. Les classes se veulent réflexives pour les élèves mais aussi pour l’enseignant qui prend conscience des disparités/similarités entre les langues. La situation de classe peut alors devenir un cadre d’échanges, phénomène qui diversifie les types d’interactions (non seulement enseignant- élèves mais aussi élèves entre eux). L’acte communicatif devient plus naturel en raison de l’implication des participants.
J. P. Vaubourg recommande de ne pas utiliser les leçons de grammaire déjà rédigées qu’on trouve dans les manuels de CM2, mais de construire à partir des comparaisons interlangues « les résumés de leçons » qui vont aboutir à un écrit de référence. Le professeur propose des emplois et des exercices qui rendent la notion grammaticale plus familière et ensuite il définit la question de grammaire, qui n’est plus regardée comme une nouveauté par les élèves primo-arrivants. On doit s’appuyer sur l’observation, la manipulation et la réflexion, aussi nécessaires à la maitrise de la langue française que le sont les exercices d’application et la systématisation au repérage précis, par exemple, d’un verbe dans une phrase. Le véritable défi est de trouver l’équilibre entre le besoin de renforcer la langue cible en la faisant fonctionner de façon spontanée et authentique et la nécessité de renvoyer aux cadres référentiels déjà établis et véhiculés par la langue maternelle, afin d’installer correctement et durablement les nouvelles connaissances.
On ne peut pas organiser un processus d’enseignement-apprentissage pour les nouveaux arrivés sans connaître leur niveau de français ou leurs compétences, soit en langue française, soit en langue maternelle. Pour réussir dans les classes de langue avec les élèves nouvellement arrivés en France, il est important d’évaluer l’élève à son arrivé.
L’enseignement aux élèves nouvellement arrivés demande une formation complémentaire. Pour pouvoir accompagner les enfants allophones, il y a quelques aspects qui doivent être incorporés dans la formation des enseignants, qui ne sont pas toujours pris en compte dans la formation standard. La compétence interpersonnelle doit être plus développée parce que l’enseignant doit pouvoir communiquer de manière non-verbale avec les enfants qui ne parlent pas encore le français. Les enseignants doivent avoir des connaissances d’autres cultures pour pouvoir comprendre les ENA. En ce qui concerne la compétence pédagogique, les enseignants doivent pouvoir se former une idée des expériences scolaires des enfants sans avoir des informations, doivent pouvoir communiquer des problèmes avec les enfants qui ne parlent pas encore le français. Au niveau organisateur, les enseignants doivent être plus flexibles concernant les plannings, il faut savoir former des groupes rendant compte des différences individuelles et sélectionner des instruments d’observation et d’évaluation pour déterminer le développement des enfants.
Bibliographie:
Jean-Paul Vaubourg, Penser, classer, comparer : faire de la grammaire, Les cahiers pédagogiques n⁰ 473, mai 2009.
Maggie Brizet-Iyassu, Dix mots pour favoriser l’inscription sociolinguistique et scolaire des Enafs, Les cahiers pédagogiques n⁰ 473, mai 2009.
Régis Guyon, Fiche pratique 3, CASNAV de Reims.